Ces pochettes d’albums qui sont de véritables œuvres d’art

Le - modifié le - Par .

Indissociable de la musique qu’elle contient, la couverture d’un album donne le premier aperçu de l’œuvre d'un artiste. Voici une sélection de disques qui allient œuvre d’art et musique.

La pochette d’un disque est indissociable de son contenu et certaines sont devenus aussi connues que la musique qu’elles renferment. Qu’il s’agisse d’œuvres d’art, d’expérimentations picturales ou encore de photographies, la couverture d’un album est en quelque sorte sa vitrine et guide parfois le choix d’un album. Certaines sont devenues tellement cultes qu’elles sont ancrées dans la culture populaire, comme la photo de "Abbey Road" des Beatles, prise sur le passage piéton devenu le plus célèbre d'Angleterre. Mais le support le plus riche en expression reste la peinture. Voici quelques exemples de pochettes où l'art commence par se voir avant de se faire entende.

The Beatles: “Revolver”, 1966

© DR

Encore eux ! Un groupe aussi grand que les Beatles compte forcément son lot de classiques. Parmi ces derniers, "Revolver" est l'un de ces disques dont la pochette est une véritable oeuvre d'art. Réalisée par Klaus Voorman, un ami du quatuor de Liverpool, cette cover est le fruit de l’interprétation que l’artiste a fait de l’écoute de l’album.

Interrogé en 2006 par Mojo, le producteur berlinois explique que son inspiration lui est venue à l’écoute du tube "Tomorrow Never Knows". Il souhaitait faire transparaitre le psychédélisme et l’étrangeté des arrangements concoctés par John Lennon et sa bande sur la pochette de l’album. C’est ainsi que, de mémoire, l’artiste a peint les portraits des quatre Beatles qui ont donné cette couverture. Un travail remarqué, puisque la jacquette a remporté le Grammy Award de la "Meilleure couverture d’album" en 1967.

The Rolling Stones : "Voodoo Lounge", 1994

© DR

Sorti en 1994, "Voodoo Lounge" n’a pas la superbe des opus légendaires qui ont signé l’âge d’or des diamants d’Hackney entre 1967 et 1973. Il s'est malgré tout imposé comme un disque solide de la discographie des Stones. Le nom de cet album vient d’une anecdote particulière. Alors que le groupe se trouvait sur l’Ile de la Barbade, une tempête éclate. Dans ce contexte orageux, Keith Richards sauve la vie d’un chaton.

Dans son livre "Life", dévoilé en 2010, le guitariste explique que cet incident lui a soufflé le fameux titre du disque : "On l'a appelé Voodoo parce qu'on était à la Barbade et que sa survie tenait à la magie du vaudou. Et donc voilà, notre villa est devenue le salon de Voodoo et j'ai écrit ce nom sur des pancartes que j'ai installées tout autour". Inspirée par la magie caribéenne donc, la pochette réalisée par Mark Norton représente une divinité de ce folklore en train de danser. Mystique et intrigante, la thématique du vaudou se ressent dans l’inspiration blues très prononcée de ce disque.

Eddy Mitchell : "Jambalaya", 2006

© DR

Le Jambalaya est un plat de riz originaire de la Louisiane aux Etats-Unis. Epicé et représentatif de la culture "cajun", le plat inspire Eddy Mitchell qui s'empare de ce nom pour le donner à son album sorti en 2006. Les tubes "Ma Nouvelle-Orléans" et "Jambalaya" embrassent d’ailleurs parfaitement ces influences. La pochette de l’album est également une référence à la culture nord-américaine.

Le tableau d’huile sur toile : "The Ballad of the Jealous Lover of Lone Green Valley", réalisé en 1934 par l’artiste Thomas Hart Benton, fait référence à une vieille chanson folklorique de la ville d’Ozark, dans le Missouri. Elle conte l’histoire d’un amoureux qui, par jalousie, assassine sa fiancée. Les personnages établis dans ce décor psychédélique ont tous les codes des traditions cajun, les chapeaux, le violon, l’harmonica. Une ambiance western bien retranscrite dans le clip du tube "On veut des légendes", en collaboration avec Johnny Hallyday

Miles Davis : "Bitches Brew", 1970

© Nostalgie

Peu d’albums ont autant révolutionné un genre musical que "Bitches Brew" de Miles Davis. Et tout part d'une histoire d'égo. Voyant sa compagne Betty faire les yeux doux à des artistes en vogue, comme Sly Stone ou Jimi Hendrix, le trompettiste décide de prendre un virage radical. S’appropriant l’esprit psychédélique et décomplexé de ses confrères, Miles Davis fait tomber les cardigans cintrés pour arborer des gilets aux couleurs chaudes ou des pantalons à franges.

En incorporant des guitares électriques et des rythmiques funk à son disque, Miles Davis invente le jazz-fusion, et balaye les préjugés sur le jazz dont il vient de s’affranchir. Pour porter cette renaissance artistique, le trompettiste continue de faire des choix forts. Jusqu’alors, la plupart des pochettes de ses albums n’étaient rien d’autre que des photos, parfois teintées d’effets, qui ont aujourd’hui très mal vieilli.

Dans un documentaire sur la vie du jazzman, Betty Davis, sa compagne de l’époque, révèlera avoir été bouche bée lorsque son homme a dévoilé la monumentale fresque au style fantastique réalisée par l’artiste franco-allemand, Abdul Mati Klarwein. Presque aussi culte que l’album, cette pochette mélange volontairement les textures afin de créer des perspectives distordues et picturalement remarquables. Etendard d’un chef-d’œuvre de la musique, cette réalisation fait sans doute partie des couvertures d’album les plus cultes !

Kansas : "Point of Know Return", 1977

© DR

En 1977, les Pink Floyd, David Bowie ou encore Sex Pistols sortent des albums capitaux dans leurs discographies. Leurs pochettes sont devenues cultes, mais aucune n’a l’importance de celle de "Point of Know Return" de Kansas. Cinquième opus du groupe américain, ce disque est le fer de lance de leur rock progressif liant les ballades acoustiques aux titres rythmés par les synthés psychédéliques. C’est dans cet album que figure le plus grand classique de la formation : "Dust in The Wind".

Presque aussi culte que la musique qu’elle représente, la pochette du disque est un chef-d’œuvre en son genre. Le point de non-retour est illustré ici par un navire sur une corniche ou la mer semble disparaitre sous le pinceau de l’artiste Peter Loyd. A propos de cette magnifique œuvre d’art, le groupe déclare sur son site officiel : "Nous voulions montrer quelque chose qui a passé un point de non-retour. Nous lui avons donné les paramètres, mais quand il nous a soumis ça, nous étions abasourdis tant c’était incroyable".  

Brian Eno : "Another Green World", 1975

© DR

Le producteur Brian Eno est l'un des pionniers du genre "ambient". Un style qui nécessite une rigueur et une minutie artistique hors du commun. Des valeurs que le musicien britannique a assimilé sur les bancs de l’école d’art d’Ipswich auprès de l’artiste visuel Tom Phillips. Devenus amis par la suite, Brian Eno a d’abord été fasciné par son illustre professeur. C’est donc sans surprise que l’artisan de "Music for Airports" a choisi pour son album "Another Green World", une peinture de son mentor intitulé "After Raphael".

En plus de se payer le luxe d’avoir Monsieur Phil Collins aux percussions sur l’album, Brian Eno donne à sa musique l’illustration idéale avec ce tableau et ses personnages sans visage, aux contours si familiers. Le minimalisme de la scène est un choix pertinent pour illustrer ce disque aux textures douces et discrètes. La fenêtre ouverte sur le paysage de la pochette représente les possibilités d’interprétation que la musique contemplative de Brian Eno offre dans ce disque.

Derek and the Dominos : Layla and Other Assorted Love Songs, 1970

© DR

Si une chose peut être attribuée à Eric Clapton, c’est sa capacité à s’entourer. En plus de ses nombreux amis comme George Harrison ou Pete Townshend, le guitariste a collaboré musicalement avec des pointures du rock. Présent dans deux supergroupes que sont Cream et The Dirty Mac, le musicien a également fondé l’éphémère Derek and the Dominos. Entouré de l’immense Jim Gordon à la composition et à la batterie, Clapton délègue le travail de la six-cordes au virtuose Duane Allman.

Sorti en novembre 1970, l’album "Layla and Other Assorted Love Songs" est l'un des disques les plus importants du rock. C’est sur cette galette que figure l’indispensable "Layla", qui met en lumière le talent inégalé de Duane Allman au slide-guitar. Si le tube reste l'un des arguments les plus convaincants du succès de ce disque, la pochette y est aussi pour beaucoup.

Inspiré par son amour envers Pattie Boyd, la femme de son ami George Harrison, Eric Clapton choisit pour illustrer cette déclaration musicale le travail d’un peintre danois. Emile Frandsen, décédé en 1969, était connu pour son approche colorée et poétique. L’un de ses sujets favoris était les femmes et leur nudité. Ainsi, Clapton choisit l'une de ses œuvres : "La Fille au Bouquet". Réalisé au début des années 50, ce tableau jaune et bleu deviendra tout aussi iconique que les tubes que comportent l’album, un échange de bons procédés ! Un des premiers prototypes de cette pochette a d'ailleurs été récemment vendu aux enchères par Pattie Boyd

Queen : News of the World, 1977

© DR

Le sixième album de Queen marqua un virage dans l’approche musicale du groupe. Pour la première fois, c’est Brian May qui s’est fendu de la majorité des titres composés pour l’opus. Une influence du guitariste qui a donné naissance à des titres beaucoup plus blues comme "Sleeping on the Sidewalk" et qui a aussi permis au musicien d’aller chercher des sonorités punks comme sur le tambourinant "Sheer Heart Attack". Une manière pour le groupe de s’insérer dans la tendance de l’époque qui voyait émerger des groupes remuants comme les Sex Pistols. L’album comporte en introduction deux des tubes les plus emblématiques de Queen : "We Will Rock You" et "We Are the Champions".

Visuellement, "News of the World" se démarque également du reste de la discographie du groupe. En grand fan de science-fiction, le batteur Roger Taylor demande que la pochette soit inspirée de la couverture de la nouvelle "The Gulf Between" de Tom Godwin publiée dans la revue Astounding. L’artiste américain Frank Kelly Freas a donc choisi de redessiner l’immense robot tenant dans sa main métallique les corps sans vie des membres de Queen.

En dépliant le vinyle, on peut voir la suite de cette histoire picturale, avec le robot colossal à genoux et le corps d’Andrew Deacon en chute libre. Le génie de cette illustration réside dans l’ambivalence de ce titan de fer, nommé Frank par son dessinateur. Les mains pleines de sang, le robot a l’air triste, en témoignent ses yeux, d’avoir dans ses mains les cadavres du groupe. La question émotionnelle des machines étant encore aujourd’hui au cœur de nombreux débats, cette œuvre visionnaire reste moderne et au goût du jour. La pochette de l’album, comme peu d’autres, s’est ancrée dans la pop culture et n’est pas prête d’en sortir.