Le soleil est au rendez-vous le 7 mai 1992, quand s’ouvre le 45e festival de Cannes avec une petite bombe, "Basic Instinct". Son réalisateur, le néerlandais Paul Verhoeven s’est fait un nom à Hollywood avec l’esthétisant "RoboCop" (1987), puis "Total Recall" (1990). Il n’en va pas de même de son actrice principale, l’Américaine Sharon Stone, inconnue du grand public lorsqu’elle foule le tapis rouge cannois.
Un anonymat que le festival et le sulfureux thriller de Verhoeven se charge de balayer. Car en ce printemps 1992, "Basic Instinct" agite bien au-delà de la cité azuréenne. Les scènes de violence et de sexe soulèvent une vive polémique et s’attirent les foudres des ligues féministes et LGBT qui dénoncent la représentation de la bisexualité incarnée par le personnage de Sharon Stone, Catherine Tramell, une femme froide, manipulatrice et sexuellement insatiable.
Pour obtenir le label lui permettant d’accéder au grand public, Paul Verhoeven a dû modifier le montage de son film, tandis qu’en France, du côté de la Vendée, la maire des Herbiers interdit littéralement le film dans sa ville provoquant des manifestations contre la censure. C’est dire si la curiosité est grande lorsque l’équipe du film débarque au Palais des Festivals avec en tête d’affiche l’acteur Michael Douglas.
Hommage à Hitchcock
"Electrochoc", "scandaleux", "racoleur", "malsain", "torride", les adjectifs utilisés pour décrire le film ne manquent pas et traduisent le côté transgressif de son réalisateur.
Mais au-delà de la scène de l’interrogatoire de police dans laquelle Sharon Stone décroise les jambes, une seconde de pellicule qui, à elle seule, résume le scandale agitant le long-métrage, son réalisateur défend un film de genre sans dimension politique. Un thriller à l’"influence hitchcockienne" inspiré directement de "Vertigo" et un scénario mettant en scène la figure de l’enquêteur face à une romancière libre et vénéneuse.
Le battage autour de "Basic Instinct" le place dans des dispositions favorables lors de sa sortie. Sans surprise, le film est un succès au box-office, totalisant plus de 350 millions de dollars. En France, il devient même le plus gros succès de l’année 1992. L'oeuvre de Verhoeven popularise surtout un sous-genre du thriller, le "thriller érotique", dont il reste, aujourd’hui encore, la référence indépassable.