"I Can See Clearly Now" : histoire d'une chanson culte

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Figure de la musique jamaïcaine, Jimmy Cliff a acquis une notoriété grâce à son titre "I Can See Clearly Now". Retour sur la création de cette chanson, chantée à l’origine par Johnny Nash.

La version originale de 1972

"I Can See Clearly Now" est écrite au début des années 70, par Johnny Nash, un chanteur et guitariste américain né en 1940. Il est connu pour être le premier artiste non jamaïcain à avoir enregistré du reggae sur la célèbre île des Caraïbes. Néanmoins, la première version de "I Can See Clearly Now" est une chanson folk. Johnny Nash a commencé sa carrière très tôt. Repéré alors qu’il chantait dans les chœurs d’une église dans son Texas natal, il est, dès l’âge de 13 ans, un des invités réguliers de l’émission "Matinée" dans les années 50. Il y reprend des standards du folk et du rhythm & blues. En 1957, il signe un contrat auprès de ABC Paramount et sort un premier disque "A Teenager Sings The Blues". L’année suivante, il parvient à se classer parmi les meilleures ventes grâce au titre "A Very Special Love" qu’il interprète en duo avec Doris Day. Après un détour par le cinéma, il joue notamment dans le film "Key Witness" avec Dennis Hopper, il retourne en studio pour l’enregistrement de nouveaux titres. En 1965, sa chanson "Let’s Move and Groove Together" se place dans le top 5 des ventes de titres Blues. La même année, il se rend à la Jamaïque où il enregistre "Hold Me Tight" et participe à la production de chansons de Bob Marley et Peter Tosh. Pendant cette période, Johnny Nash collabore avec certains des plus grands artistes du moment, Byron Lee and The Dragonaires ou encore Jackie Jackson. En 1972, il retrouve Bob Marley en Suède. Ce dernier est en train de composer "Stir It Up". Johnny Nash livre sa propre version de cette chanson écrite par la légende du Reggae, ce qui lui permet de se hisser à la treizième place des charts anglais à l’été 1972. La même année, il part s’installer en Angleterre et signe chez CBS. Il enregistre alors ce qui sera son plus grand succès "I Can See Clearly Now". Depuis, le chanteur s’est retiré du devant de la scène et n’apparaît plus qu’exceptionnellement pour quelques collaborations en studio. Si l’interprétation de "I Can See Clearly Now" a été l’occasion pour beaucoup de découvrir cet artiste, son œuvre fut pourtant l’objet de nombreuses reprises de la part de nos stars nationales. En effet, dès 1968, Joe Dassin reprenait sous le titre "Un peu comme toi" la chanson "Hold Me Tight". Claude François a également repris trois titres de Johnny Nash pendant les années 70.

Jimmy Cliff, un ambassadeur de la musique jamaïcaine

Né sur l’île de la Jamaïque en 1948, Jimmy Cliff a été élevé par son père dans le district de Somerbon. Ils vivent dans des conditions sommaires, à l’écart des villes. À l’âge de 13 ans, il quitte l’école et découvre la musique américaine. Il reprend alors des classiques du Rock’n’roll comme ceux de Fats Domino ou de Little Richard. En 1961, il se rend à Kingston, la capitale de l’île, et y rencontre Count Basie avec qui il enregistre des chansons ska. À la même époque, il sort "Hurricane Hatty" puis "Local Miss Jamaica" qui connaissent un énorme succès. En 1964, Jimmy Cliff s’envole pour les États-Unis avec Byron Lee pour promouvoir le ska. La même année, il est choisi pour représenter son île natale lors de l’Exposition universelle de New York. En 1968, il remporte un concours de chanson avec son titre "Waterfall" et devient une star en Amérique latine. Il signe alors un contrat auprès de la maison de disques A&M et écrit alors une de ses premières chansons reggae "Wonderful World, Beautiful People". Le disque est un succès et lui permet d’enregistrer son premier album "Hard Road To Travel" réalisé par Leslie Kong, qui contient notamment les titres "Vietnam" et "Many Rivers To Cross" qui sera repris par Joe Cocker. En 1972, Jimmy Cliff est la tête d’affiche du film "The Harder They Come" qui relate la triste réalité de l’industrie musicale jamaïcaine. Pendant le tournage qui dure près de deux ans, l’artiste enregistre deux albums aux influences très diverses, affirmant ainsi sa volonté de ne pas s’enfermer dans un unique style de musique. Pendant les années 70, alors que nombre de ses compatriotes se revendiquent du mouvement rastafari, il décide de se convertir à l’Islam et opte pour un nouveau nom : El Hadj Naïm Bachir. L’année 1982 est un moment clé de sa carrière. Il signe un nouveau contrat chez CBS et fait la connaissance d’Amir Bayyan, un des membres fondateurs de Kool and The Gang. Ils collaborent sur de nombreux albums dont "The Power and The Glory", "Cliff Hanger" ou encore "Hanging Fire". En 1992, sa reprise de "I Can See Clearly Now" est un succès mondial, grâce notamment, à la sortie du film "Rasta Rockett".

La sortie d’un film devenu culte

Narrant l’histoire, véridique, d’une équipe jamaïcaine participant à l’épreuve de bobsleigh à quatre lors de Jeux olympiques de Calgary, le long-métrage de Jon Turteltaub fait un carton au box-office et a aujourd’hui acquis le statut de véritable film culte. Produit par les studios Disney, mettant en scène Leon Robinson, John Candy ou encore Malik Yoba, le film cartonne aux quatre coins du globe. Délivrant un message positif prônant le dépassement de soi-même et l’importance des liens de l’amitié, "Rasta Rockett" a fait rire à gorge déployée des millions de personnes à travers le monde lors de sa sortie en salles. Les nombreuses diffusions à la télévision lui ont permis de devenir un des incontournables de la comédie américaine. En interprétant la chanson du générique, Jimmy Cliff obtient la consécration. "Rasta Rockett" rapporte plus de 150 millions de dollars de bénéfice et a marqué toute une génération. Porté par ce succès, le chanteur jamaïcain accède à la notoriété mondiale et se hisse au rang de star internationale. Deux ans plus tard, il collaborera à nouveau avec les studios Disney en signant la chanson "Hakuna Matata" pour la bande originale du "Roi Lion". Une fois de plus, le succès est au rendez-vous. Le disque regroupant les chansons du film est une des meilleures ventes de l’année et remporte l’Oscar de la meilleure musique de film. Il enregistre ensuite un duo avec Bernard Lavilliers "Melody Tempo Harmony" puis signe une dernière collaboration avec Yannick Noah en 2005 "Take Your Time" avant de se retirer du devant de la scène.

Des reprises aux quatre coins du monde

Si la reprise de Jimmy Cliff est incontestablement celle qui a connu le plus de succès, ce n’est pas la seule. Ainsi, on peut citer celle de Gladys Knight & The Pips en 1973 ou encore celle signée Ray Charles en 1979. En France également, "I Can See Clearly Now" a eu les honneurs d’être interprété par les plus grands, notamment par Claude François sur son album "Je vais à Rio" en 1977 ou encore Nana Mouskouri sous le titre "Toi et le soleil". Plus récemment, la chanson a également inspiré Magic System en 2015 ou encore Matt Pokora qui nous en a livré son interprétation en 2017 sur son album "My Way" en 2017. Jimmy Cliff a été admis au Panthéon du Rock en mars 2010 et est apparu depuis dans le documentaire "Reggae Got Soul : The Story of Toots and The Maytals" diffusé sur la BBC. Entre 2010 et 2015, il se produit dans de nombreux festivals français et européens dans lesquels il interprète tous ses classiques avec entrain et une énergie débordante. Depuis, il se fait plus rare, mais continue son engagement militant en faveur des pays en voie de développement, notamment en Afrique où il cherche à venir en aide aux plus démunis. À plus de 70 ans, Jimmy Cliff est sans conteste un des artistes majeurs de la musique caribéenne dont il a réussi à s’éloigner afin d’offrir à son public une musique métissée, aux inspirations multiples.