L'histoire d'une chanson : La Java de Broadway - Michel Sardou (1977)

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En 1977, un vent de scandale flotte autour de Michel Sardou après la sortie de son album « La Vieille », un an plus tôt. « La Java de Broadway » arrive à point nommé pour apaiser les polémiques suscitées après la parution de « Je suis pour ».

1977 marque un tournant dans la carrière de Michel Sardou. Il se relève d’une année 1976 difficile, marquée par le décès de son père, mais également les polémiques suscitées par certains titres présents sur son précédent album, « La Vieille » : « Je suis pour » évoque la peine de mort en plein procès Patrick Henry, et « Le temps des colonies » est loin de faire l’unanimité auprès des critiques dans une France où les dernières élections municipales marquent un fort virage à gauche.

Après les polémiques

Michel Sardou ne s’intéresse pas au scandale et prépare déjà la sortie d’un nouvel opus.
Avec son compositeur de toujours, Jacques Revaux – à qui l’on doit notamment « Comme d’habitude » – il s'atèle à l’écriture de nouveaux titres et « La Java de Broadway » voit le jour.
« Jacques Revaux a composé la musique avant, explique Michel Sardou à propos de la chanson. Comment le texte est venu ? Je ne m’en souviens absolument pas. »
Ce titre, beaucoup plus enlevé et léger que les précédents, apporte une certaine bouffée d’air frais pour le chanteur.

Association fructueuse

L’album est enregistré entre les studios Condorcet et 92, sous la direction artistique de Jacques Revaux et Régis Talar.
Les deux associés sont à la tête du label Tréma, créé pour publier la musique de Michel Sardou après son renvoi de Barclay. La collaboration entre les trois hommes dure en effet depuis 1969, avec un franc succès.

« En avril 1969, Michel Sardou s'est fait virer de chez Barclay, a expliqué Jacques Revaux dans le journal régional Le Messager. Il n'avait plus de maison de disques. Moi et mon associé, on trouvait ça injuste, alors on s'est dit et si on s'en occupait ? On a monté la société Tréma. Pour ça, j'ai emprunté 100 % de mes droits d'auteurs. Je pouvais les perdre, car, à cette époque-là, il ne vendait pas de disques. On s'est mouillé. Six mois plus tard, on avait plus d'argent, j'ai dû réemprunter. À nouveau, j'aurais pu tout perdre. Et là, ses disques se sont vendus. »
Et en effet, pendant la décennie 70, rares sont les titres de Michel Sardou à s’écouler à moins de 900 000 exemplaires.

Emporté par l’univers des comédies musicales

Pourquoi un titre sur Broadway après avoir abordé des sujets de société graves et polémiques ?
Michel Sardou confie avoir été ébloui par la magie d’une comédie musicale en particulier.
« J’ai découvert Broadway très tard, admet-il. Pendant des années, c’était La Mecque des comédies musicales – aujourd’hui c’est Londres. Je me souviens y avoir vu " Nine ", une adaptation du film de Fellini 8 ½. Je suis resté sur le cul. »
 L’artiste, épaulé par Pierre Delanoë – qui a notamment travaillé avec Michel Sardou sur « Etre une femme » ou encore « Les lacs du Connemara » – a retranscrit l’esprit de cet univers dans « La Java de Broadway ».

Succès sans précédent

« La Java de Broadway » fait immédiatement danser la France et se vend à plus de 940 000 exemplaires. Si l’année précédente a connu son lot de polémiques, ce titre prouve une nouvelle fois que le public suit avec toujours autant de ferveur celui qui a rendu hommage quelques années plus tôt au paquebot Le France.

Amour immodéré pour le théâtre

Cette redécouverte de la comédie musicale donne aussi des idées à Michel Sardou, qui souhaite monter un spectacle.
« [A Broadway] J’y ai également vu The Me Nobody Knows : la guerre du Vietnam vue par des enfants de la rue, à Harlem. Mais, en France, on n’a pas d’enfants de douze ans capables de jouer et danser aussi bien. »
S’il ne peut monter le spectacle qu’il souhaite, Michel Sardou donne malgré tout de la voix pour une comédie musicale. Il participe aux « Misérables », mis en scène par Robert Hossein.

Une aventure qui ne se déroule finalement pas comme prévu. « La seule comédie musicale à laquelle j’ai participé, c’est « Les Misérables », explique-t-il.
Dans le disque, j’interprète Enjolras. Un rôle de ténor que j’ai enregistré avec 40 de fièvre. Je disais à Boublil et Shoenberg que j’étais prêt à jouer le personnage sur scène, mais Robert Hossein qui mettait en scène le spectacle ne voulait pas de vedette. »

« La Java de Broadway » est aujourd’hui devenu un classique de la chanson française, que Michel Sardou interprète sur scène avec plaisir.
Lors de sa dernière tournée, « Les grands moments », le chanteur fait la part belle à ce titre de légende, toujours autant acclamé par son public.

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