Que serait Michael Jackson sans la danse ? Tout sauf l’artiste qu’il est devenu tant cet art a façonné sa musique. Lors de l’enregistrement de l’album "Thriller", les musiciens et autres techniciens présents, qui ne connaissent pas encore le jeune prodige de 23 ans, s’en rendent vite compte. Michael est à part, il interagit peu avec les musiciens et passe beaucoup de temps à danser dans un coin du studio. En réalité, il s’approprie la musique, la ressent d’abord dans son corps avant de la retranscrire au micro. C’est ainsi qu’il conçoit la musique et qu’il crée, à partir d’avril 1982, un monument de la musique pop indissociable de la danse, "Thriller".
Le producteur de l’album, le légendaire Quincy Jones, interrogé par le journaliste Peter Lyle, résume, non sans humour, l’exigence rythmique et dansante de Michael Jackson : "Sur ‘Billie Jean’, Michael avait une intro sur laquelle tu pouvais te raser. C’était tellement long. J’ai dit : c’est trop long ! On doit amener la mélodie plus rapidement. Il a dit : ‘C’est ce qui me donne envie de danser’. Et quand Michael Jackson vous dit : ‘C’est ce qui me donne envie de danser’. Nous autres, on n’avait plus qu’à la fermer."
"Vous devenez la basse, l’orchestre"
Car voilà le véritable juge de paix d’un bon morceau pour le futur roi de la pop : il doit faire vibrer le corps, démanger les pieds, bref donner envie de danser. Et c’est d’ailleurs ce que Michael fait lorsqu’il enregistre la voix des compositions de "Thriller" : il danse tout en chantant. Et ces mouvements, le génial ingénieur du son Bruce Swedien n’en perd pas une miette.
Lors des enregistrements, il installait Michael Jackson sur une plateforme afin de capter et d’enregistrer les sons produits par ses mouvements de danse, puis les intégrait au mixage final. Qu’il s’agisse de pulsations, de claquements de doigts ou de mouvements des pieds, même imperceptibles, ils font partie intégrante de l’enregistrement, au même titre que les ponctuations de voix et le "hoquet vocal" qui constitue l’une des marques de fabrique du chant de Michael.
C’est cette appropriation physique de la musique que l’on ressent à l’écoute notamment de "Thriller". "Penser, c’est la plus grande erreur que fait un danseur, expliquait le roi de la pop dans le long portrait "Living with Michael Jackson", sorti en 2003. Il faut ressentir les choses ; vous devenez la basse, vous devenez l’orchestre, vous devenez la clarinette, la flûte et la percussion." Il en fera l’éclatante démonstration lors notamment de l’interprétation de "Bille Jean", le 26 mai 1983 sur NBC, où il subjugue le public avec son premier moonwalk, signant ainsi d’un pas extraterrestre la symbiose du corps et du chant.