Emanation de producteurs européens versés dans la musique électronique, l’Eurodance apparaît à la fin des années 1980 en s’inspirant des dernières tendances qui agitent les clubs, à commencer par la house et ses dérivés. Elle plonge ainsi ses racines dans les styles dance qui supplantent peu à peu le disco, comme la high-NRG, la techno ou l’Italo disco. L’Eurodance opère également, à ses débuts, une jonction entre la house et le rap en plein essor et bénéficie d’évolutions technologiques à l’image de la mise sur le marché du célèbre modèle de synthétiseur Korg M1.
Dans le contexte de la chute du mur de Berlin, symbole de la partition de l’Europe en deux blocs, l’Eurodance s’impose peu à peu sur les dancefloors du monde entier à coup de tempos élevés, de rythmes percutants et répétitifs, dits "Four to the floor", et de voix puissantes qui assènent des messages positifs tournés vers la fête et la danse.
Illustration de cette effervescence européenne, deux titres vont contribuer à lancer la vague Eurodance dans le monde, l’un en Italie, l’autre en Belgique.
"Ride on Time", le titre pionnier
De l’autre côté des Alpes, un trio de musiciens de studio, connu sous le nom de leur label Groove Groove Melody, crée le groupe Black Box à la toute fin des années 1980. Composée du Dj renommé Daniele Davoli, alias DJ Lelewel, du clarinettiste Valerio Semplici membre de l'orchestre du théâtre communal de Bologne et du claviériste et musicien électronique, Mirko Limoni, la formation Groove Groove Melody rencontre la mannequin Katrin Quinol au cours d’une soirée. La jeune française deviendra l’image du groupe Black Box en formation qui sort le hit "Ride on Time" au cours de l’été 1989. Toutefois, elle ne chantera pas le titre qui se contente dans un premier temps de sampler une partie de la voix de la chanteuse américaine soul et RnB, Loleatta Holloway, sur le morceau "Love Sensation".
Rapidement, le titre conquiert l’Europe et le reste de la planète, se classant dans le top de nombreux charts en France, en Allemagne, en Espagne, en Australie ou encore en Angleterre, où il devient le single le plus vendu de l’année 1989. Il lance ainsi un style musical qui prendra bientôt le nom d’Eurodance.
"Pump Up The Jam", la jonction de la techno et du rap
Quatre mois plus tard, un autre hit fondateur de l’Eurodance voit le jour du côté de la Belgique : "Pump Up The Jam". Il est signé du producteur belge de dance music, Jo Bogaert, également connu sous le pseudonyme de Thomas de Quincey. Au sortir de l’ère New Beat, Jo Bogeart, influencé par le son house de Chicago, souhaite inclure des voix à son nouveau projet Technotronic, là où l’ex bassiste ne produisait jusqu’alors que des instrumentales.
Souhaitant développer une forme de techno rap, il fait la connaissance de Manuella Kamosi, jeune rappeuse qui se produit du côté d’Anvers. La jeune artiste d’origine congolaise accepte d’écrire quelques paroles qu’elle couche sur le papier en 15 minutes et enregistre le titre "Pump Up the Jam". Là encore, à l’image des Italiens de "Black Box", la maison de disque décide de promouvoir le single avec un mannequin professionnel : Felly Kilingi.
"Pump Up The Jam" connait, à son tour, un succès fulgurant, s’octroyant la première place de nombreux classements à travers le monde et atteignant même la 2nd place du Billboard Hot 100 - le classement des singles aux Etats-Unis. La rappeuse Manuella Kamosi, alias Ya Kid K, s’affiche ensuite comme la voix de Technotronic, que rejoindra bientôt Eric Martin, alias MC One, notamment au moment de la sortie du second hit du groupe "Get Up! (Before the Night Is Over)".
La sensation allemande Snap!
Le succès colossal de "Pump Up the Jam" impose l’Eurodance comme nouvelle tendance au tournant de la décennie 90, ouvrant ainsi la voie à de nombreux tubes produits dès lors en Angleterre, en Suède ou encore en Allemagne. C’est d’ailleurs du côté de Francfort qu’apparaît en 1989 une formation qui va marquer le genre avec une série de tubes incontournables : Snap!. Mis sur pied par les producteurs Michael Münzing et Luca Anzilotti, anciennement OFF, Snap! sort le titre "The Power" en 1990 avec le rappeur américain Turbo B et la chanteuse Penny Ford.
Pour sa réalisation, les deux producteurs s’enferment une semaine en studio pour produire leur propre musique. Un travail acharné d’assemblage de samples qui aboutit à un single Hip House innovant mélangeant riffs de guitare, rap et rythmique breakbeat. "The Power" s’accapare la tête de nombreux classements et se classe 2e au Billboard Hot 100. Deux ans plus tard, Snap! remet ça avec "Rythm is a Dancer", cette fois avec la voix de l’américaine Thea Austin. Un hit qui s’impose rapidement comme une référence de l’Eurodance.
1990 – 1995, la déferlante Eurodance
Entre temps, des groupes comme 2 Unlimited, formation signée des producteurs belges Jean-Paul de Coster et Phil Wilde, profitent de la déferlante Eurodance. Le titre "Get Ready for this" de 2 Unlimited connait un succès international. Mais le groupe, qui met en avant la chanteuse Anita Doth et le rappeur Ray Slijngaard, ne s’arrête pas là et offrira, toujours dans son style très percussif, quelques classiques du genre qui connaitront notamment un vif succès en France : "No Limit" et "Tribal Dance".
Rapidement, l’Eurodance se diversifie, abandonnant parfois le rap au profit de formes d’expression vocale inattendues, à l’image du carton mondiale d’un Scatman qui, bien qu’Américain, est généralement associé à l’Eurodance.
La première moitié de la décennie 90 est particulièrement prolifique pour l’Eurodance qui voit débouler nombre de hits qui feront sa réputation. C’est le cas de plusieurs titres du second album "One Love" du nigérian établi en Suède Alban Nwapa, alias Dr Alban. Produit par Denniz Pop, qui travaillera bientôt avec le célèbre Max Martin, Dr Alban connait un succès considérable avec les chansons "It’s my life" (1992) et "Sing Hallelujah!" (1993).
La même année, un duo venu d’Italie, Corona, fait également parler de lui avec un titre intitulé "The Rhythm of the Night". Ce dernier se classera 1er en Italie et 2eme en Angleterre. Dans les jours qui suivent la sortie de ce succès, un hit plus fort encore va s’imposer dans plus d’une dizaine de pays, dont la France. Ce morceau, "What is Love", est interprété par le chanteur trinidanien Haddaway, basé en Allemagne, en association avec le duo de producteurs Junior Turello et Dee Dee Halligan.
De nombreuses productions s’engouffrent alors et tentent également de faire leur place sur ce segment musical qui fait recette. C’est le cas des Allemands de Magic Affairs, avec le titre "Omen III" ou de La Bouche avec le fameux “Be my lover”. Là encore, il s’agit d’un duo composé d’une chanteuse, Melanie Thornton, et d’un rappeur, Lane McCray, derrière lesquels on retrouve le célèbre Frank Farian, créateur et producteur des groupes Boney M. et Milli Vanilli, entre autres.
L’héritage de l’Eurodance
A partir de la seconde moitié des années 1990, la musique électronique commence à évoluer avec la montée en puissance de la French touch, mais plusieurs titres associés à l’Eurodance continuent de performer sur les ondes. C’est le cas du tube "Freed from desire" de la chanteuse italienne Gala qui s’installera durablement dans le paysage musical, notamment par l’entremise de nombreuses équipes sportives, dont les Bleus, qui en font leur hymne le temps d’une compétition.
Au tournant du millénaire, l’Eurodance s’essouffle malgré le succès de quelques titres, à l’image de "Around the World (La La La La La)" des Allemands d’ATC. Supplantée notamment par l’électro et ses déclinaisons, l’Eurodance laisse cependant un héritage qui influence toujours la dance music et de nombreux DJ.
Ainsi le français David Guetta s’empare en 2023 du hit "What is Love" d’Haddaway pour les besoins de son hit "Baby Don’t Hurt Me", en collaboration avec Coi Leray et Anne Marie. Cinq ans plus tôt, Calvin Harris et Dua Lipa lorgnent également sur l’Eurodance au moment de produire la chanson "One Kiss" (2018). Preuve de l’influence du genre sur la production musicale de ces dernières années, la superstar Beyoncé teinte son single "Break my Soul", sorti sur l’album "Renaissance" en 2022, de marqueurs très nets de l’Eurodance. Une consécration.