Une invitation du Kremlin
En 1987, Billy Joel vient tout juste de sortir son nouvel album à succès "The Bridge", et la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS n'est pas terminée. Le nouveau président de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, instaure depuis deux ans une "nouvelle détente", mais il n'est pas encore de bon ton pour un chanteur américain de se produire en URSS, et inversement pour l'URSS d'accueillir des artistes venus de l'extérieur. Si le Britannique Elton John a donné un concert mythique à Moscou en 1979, la tournée huit ans plus tard de Billy Joel va plus loin dans la symbolique, puisqu'aucun artiste pop ou rock américain de renom n'a encore osé se rendre de l'autre côté du Mur de Berlin depuis sa construction. Lui-même inquiet avant son départ, Billy Joel doit organiser une conférence de presse à New York pour rassurer l'opinion publique au sujet de sa réponse favorable donnée à cette invitation du Kremlin, et expliquer son intention de participer à un éventuel rapprochement entre les deux camps.
Le coup de folie de Billy Joel à Moscou
Arrivé en URSS avec sa femme Christie Brinkley et sa fille, Billy Joel démarre sa tournée le 23 juillet par un petit concert acoustique inopiné à Tbilissi, la capitale de la République socialiste soviétique de Géorgie. Alors que le chanteur du morceau culte "Honesty" pense qu'il va simplement faire un boeuf avec des musiciens locaux, un millier de billets ont été vendus par l'opéra de la ville. Après cette prestation inattendue, Billy Joel, épaulé par une grosse équipe technique, a six grands shows prévus dans les deux villes majeures de l'URSS : trois à Moscou et trois à Leningrad (actuel Saint-Pétersbourg). Après un premier concert moscovite à l'ambiance un peu froide à cause de la présence d'officiels, Billy Joel sidère les spectateurs du Complexe olympique lors de la deuxième date, en explosant le pied de son micro sur son piano pour faire comprendre à la régie lumière d'arrêter d'éclairer le public sans arrêt. Par ce geste, il souhaite préserver au maximum l'anonymat de son audience, qui va d'ailleurs se lâcher de plus en plus au fil des concerts.
Une tournée historique à un tournant de l'Histoire
Reprenant sur cette tournée ses plus grands succès, et également la chanson "Back in the U.S.S.R." des Beatles, Billy Joel a régalé un public qui le lui a parfaitement rendu, en mettant une ambiance de folie. Choisissant un traducteur indépendant à la place d'un officiel, l'artiste a aussi pu parler librement et directement à une jeunesse qui avait soif d'ouverture. Si les gros moyens de production nécessaires à cette tournée ont coûté pas mal d'argent à l'artiste, Billy Joel a marqué l'Histoire de son empreinte avec ce voyage en URSS. L'album live "Kontsert", sorti en octobre 1987 avec son nom écrit en cyrillique sur la pochette (Концерт), en est la trace indélébile. Cet opus a d'ailleurs reçu un bon accueil du public américain (1 million d'albums vendus et une certification disque de platine), preuve qu'un pont, artistique, avait commencé à être construit par un Billy Joel marqué à vie par cette expérience.