Supertramp : retour sur l'album "Breakast in America"

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"Breakast in America", sorti en 1979, est le sixième album du groupe britannique Supertramp. Cet opus s’est écoulé à des dizaines de millions d’exemplaires tout autour du globe.

La révélation au public

Les premiers albums de Supertramp plaisent au public, mais sans connaître pour autant un franc succès. Ces singles et albums passés ne sont qu’un échauffement en vue du sixième album, "Breakfast in America". Ce dernier sort le 29 mars 1979.Cet album est aujourd'hui considéré comme le meilleur album du groupe, loin devant les albums "Crime of the Century" (1974) ou "Even in the Quietest Moments" (1977). Une musique plus succincte, plus calibrée pour la radio a été plutôt mise en place. Rick Davies et Roger Hodgson se permettent également de mettre en avant leur sens de l’humour ironique. Ils révéleront même plus tard, cette année-là, dans un entretien avec le Melody Maker : "Les chansons de cet album ont été choisies parce que nous voulions vraiment avoir un sentiment de plaisir et de chaleur. Je pense que nous avons senti que nous avions fait des albums assez sérieux, et il était temps que nous montrions le côté plus léger de nous-mêmes".

"Breakfast in America" ne représente pas pour autant un album drôle, surtout lorsqu’on se rend compte qu’il y a une prépondérance de chansons consacrées aux relations brisées par le manque de communication. Ce sujet est totalement maîtrisé par Rick Davies et Roger Hodgson, compte tenu du fait qu’ils ne s’entendaient plus au moment de la réalisation de cet opus.

Une relation électrique

Le duo d’écriture est depuis longtemps à l’origine de la musique du groupe mythique Supertramp. Mais au moment où "Breakfast in America" débute, l’harmonie ne règne plus du tout. Cela fait même plusieurs années qu’ils n’ont pas écrit ensemble. Le groupe se supporte dans une détente délicate. Roger Hodgson admet, lors d’une interview au NME, en 1977 : "Je pourrais mettre de côté la façon de penser de Rick, et il pourrait remettre en question ma façon de voir la vie. Nous pensions en faire le thème de l’album. Nous ne communiquions pas très bien à travers cet album".

Leur mésentente est aussi bien personnelle que musicale. Roger Hodgson admettra plus tard avoir été perturbé par la présence constante de la femme de son complice, devenue le manager du groupe : "Nous sommes le noyau de Supertramp, cela avait tendance à nous diviser. C’est une femme extraordinaire qui s’intègre très bien. Mais… cela a tendance à nous couper de Rick. Il y a rarement des vibrations hostiles à cause de cela, mais en tant que groupe, cela ne ressemble pas à une unité complète. Il est très rare que nous soyons tous les cinq en train de nous socialiser ensemble ou de parler de choses".

L’éveil spirituel, durant les années 1970, de Roger Hodgson, ne rend pas les choses plus faciles, car Rick Davies n’a que du mépris face à cela. Ce dernier n’est d’ailleurs pas du tout d’accord pour aborder ce sujet dans les chansons comme "Babaji" ou "Lord Is It Mine". Concernant ce thème, il s’exprime même plus tard : "Personnellement, ça me gonfle. Je préfère rester anonyme plutôt que devenir religieux. Je pourrais me battre avec Roger sur ce prochain album à ce sujet. Ce n’est pas juste."

Plutôt que de formuler ouvertement leur mécontentement, ils décident d’écrire séparément la majorité de "Breakfast in America".

Le LSD comme motif d’éloignement

D’après Roger Hodgson, leur déchirure a probablement débuté dès 1972. À ce moment-là, Rick Davies n’a pas voulu consommer du LSD avec lui. Hodgson dira plus tard : "Le résultat de mon expérience était que j’avais l’esprit ouvert à toutes sortes de choses qu’il n’a pas. Cela a créé un obstacle, parce que nous ne pouvions pas partager l’expérience. Le LSD est une drogue très étrange qui a changé mon éducation… totalement". Dans la réalité des choses, cela peut ressembler à une formule désastreuse. Cependant, quelle que soit sa façon d’appréhender les choses, le duo a réussi à produire le meilleur pour "Breakfast in America". Certains fans ont été contrariés par le manque de formats longs, présents dans les précédents albums du groupe. Mais les nouveaux morceaux ont profité d’une approche plus rationnelle, avec des accords supprimés durant le long processus d’enregistrement. Ce dernier s’est, en effet, réalisé sur six mois, dans deux studios et deux démos différentes. Peter Henderson, le coproducteur, a déclaré pour donner suite à cela qu’il ne constatait pas de preuves d'un fossé entre les deux chanteurs. Pour lui, la musique est de toute manière la seule chose que les membres de Supertramp peuvent encore partager.

L’album "Breakfast in America"

La chanson "Gone Hollywood" débute par un fondu de piano avant d’imposer le duo de voix harmonisées de Rick Davies et Roger Hodgson. On découvre ensuite deux courts couplets puis un saxophone délicat, mais envoûtant, réalisé par John Helliwell. Les voix principales s'enchaînent, et la tension monte doucement grâce aux accents rythmiques du piano. Le morceau se termine par un outro mélodieux et insouciant.

La chanson "The Logical Song" est un merveilleux morceau lyrique, mélodique et surtout musical, réalisé par Roger Hodgson. C’est le premier single de l’album. Il atteint le top 10 dans plusieurs pays et devient en même temps le plus gros succès de Supertramp. Le chanteur y critique un système d’éducation structuré et met l’accent sur le déséquilibre entre la société et la vraie connaissance.

La face A se termine avec le morceau "Oh Darling". Rick Davies propose une ballade romantique où il utilise une progression d’accords ainsi que des diminutions pour refléter parfaitement une humeur mélancolique. Roger Hodgson apporte, quant à lui, sa contribution grâce à des riffs de guitare électrique texturés. La fin de la chanson se fait sur le duo vocal qui réalise un crescendo avant de disparaître.

La face B débute avec la chanson la plus philosophique de l’opus. "Take the Long Way Home" est constituée de paroles qui portent sur le fait de "sortir", de réexaminer sa vie ou de vieillir, ou bien une combinaison de tous ces facteurs. Roger Hodgson trouve une mélodie parfaite pour accompagner le piano qui domine le morceau.

On retrouve ensuite quelques chansons de Rick Davies. Le morceau pop/rock "Just Another Nervous Wreck" porte sur la lutte de monsieur Tout-le-Monde. Introduit par du piano et agrémenté de nombreux éléments de rock traditionnel, le titre comporte également une harmonisation fine entre la guitare et des chœurs. La chanson "Casual Conversations" adopte de son côté une approche opposée à la précédente : jazzy et courte.

"Child of Vision" clôture l’opus en plus de sept minutes. Ce morceau emploie différents éléments musicaux. Il est le seul au crédit de John Helliwell pour cet album. Un solo de piano plus ou moins improvisé le termine. Malheureusement, cette fin donne l’impression d’être là pour "épuiser l’horloge", ce qui apporte une conclusion légèrement passable à un album pourtant impeccable.

Le début de la fin

L’album "Breakfast in America" remporte deux Grammy Awards en 1980. Il atteint également le plus haut sommet des palmarès de plusieurs pays. En France, c’est la plus grande vente de tous les temps. Supertramp réalise une tournée mondiale de 120 dates qui bat tous les records de fréquentations en Europe et au Canada. Durant l’année 1980, le groupe sort un double album live Paris. Encore un énorme succès mondial.

Pourtant, Supertramp attend près de quatre ans avant de sortir un nouvel album : "Famous Last Words", fin 1982. Il est déjà beaucoup trop tard pour le groupe, et bien que l’album reste un succès commercial, la tournée qui suit entraîne le départ de Roger Hodgson, éclatant ainsi le line-up de Supertramp.