Futur tube cherche interprète habité. Tout le monde ou presque connait le morceau "Tainted Love", propulsé en tête des charts mondiaux en 1981 par le duo anglais Soft Cell, moins connaissent la version originale sortie en 1964. A la fois proche et lointaine, les deux versions que dix-sept ans séparent, n’ont pas connu le même succès mais n’ont pas non plus porté le même message.
Cette chanson, signé Ed Cobb, s’ancre à l’origine dans le milieu des années 60 où la fougue de Gloria Jones porte le cri du cœur d’une jeune chanteuse soul qui, à la manière d’une Aretha Franklin, souffre de sa relation amoureuse mais affirme son indépendance avec force.
Au-delà d’une simple reprise
Quand Soft Cell s’empare du titre, alors qu’il tourne dans les clubs "nothern soul" anglais, grâce à l’intuition du DJ Richard Searling, "Tainted Love", qui peut se traduire par "amour souillé", voire "infecté", prend une autre dimension. La médiatisation du Sida n’en est qu’à ses prémisses mais l’émergence d’un virus surnommé alors "Grid", pour "gay-related immunodeficiency", stigmatisant la communauté homosexuelle, commence à inquiéter.
C’est dans ce contexte sous-jacent, dont Soft Cell n’a même pas encore conscience, que le chanteur Marc Almond s’intéresse au titre de Gloria Jones qui passe dans le club où il travaille. Soft Cell intègre alors le morceau à ses concerts avant de l’enregistrer sous l’impulsion de Roger Ames, de Phonogram Records.
Tempo ralenti, effet garanti
La formation synthpop modifie le titre de 1964 en ralentissant le tempo et en modifiant les arrangements. La transformation électronique du titre, qui crée un décalage avec la soul du chant, et l’interprétation de Marc Almond lui donnent un autre relief, une aspérité sulfureuse en rupture avec la version originale.
La chanson parle alors à une jeunesse qui rêve de pousser les murs et le passage mémorable du duo dans l’institution britannique, l’émission Top of the Pops, achève de propulser "Tainted Love" au sommet des charts internationaux, positionnant définitivement le morceau comme l’un des piliers du mouvement new wave.
"Tainted Love est devenue cette chanson à la fois prophétique et ancrée dans cette époque, cette année 1981", commentait ainsi Marc Almond lors d’un long entretien accordé à Libération en 2017. Pour beaucoup, une année de bascule que la version de Soft Cell aura accompagnée en profondeur et accompagnera encore longtemps.