L'échappée belle
Des paysages quasi irréels et des personnages souvent insolites qui défilent dans le rétroviseur... L'histoire de la " Route 66 " démarre sur le chapeau de roue, au milieu des années 20, sous la houlette de Cyrus Stevens Avery.
L'homme d'affaires se voit confier la réalisation d'une voie reliant l'Est à l'Ouest, dans un souci de développement économique.
Une oeuvre monumentale à laquelle participent des millions de personnes précipitées dans la Grande dépression.
Bien que s'appuyant sur des tronçons déjà existants, plus de dix ans de travaux seront nécessaires et ce n'est qu'en 1937 qu'émergent les 4.000 kilomètres (2 448 miles) de bitume de la Route 66.
La première route transcontinentale goudronnée d'Amérique, qui traverse huit états (Illinois, Missouri, Kansas, Oklahoma, Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Californie) avec pour point central Adrian dans le Texas, relie Chicago dans l'Illinois à Santa Monica en Californie.
La "Route 66" sous les feux des néons
Appelé " Mother Road " ou encore " Main Street USA ", l'axe, qui relie également les rives du lac Michigan et l'océan pacifique, devient évidemment stratégique et permet à l'" Amérique profonde " de se développer. Des villes comme Amarillo (au Texas), Albuquerque (au Nouveau-Mexique), Flagstaff et Kingman (en Arizona) s'émancipent.
Des centaines de motels, de cafés ainsi que des stations-services, signalés par les fameuses enseignes lumineuses, sont construits pour accueillir les routards créant ainsi des emplois.
La Route 66 sur la mauvaise pente
Une embellie de courte durée...
Empruntée par les touristes étrangers (qui traversent désormais la légende américaine comme jadis ils parcouraient des photos) et des Américains (avides de chevauchées mécaniques, désireux de tenter leurs chances sous le soleil de l'Ouest), la Route 66 est en perte de vitesse en raison de trajets rendus dangereux par l'usure de la route.
Dans le même temps, les autoroutes à quatre voies qui ont déjà émergées, notamment en Allemagne, séduisent les autorités américaines qui vont les préférer à la Route 66.
Les touristes pressés empruntent désormais les " highways " qui contournent les villes et les commerces qui jalonnent la Route 66. Une " révolution " qui entraîne la fin du tourisme pittoresque et local. En bout de course également, les néons des motels ou encore des drives in s'éteignent...
La " Mother Road ", symbole d'une Amérique anachronique, est officiellement déclassée le 27 juin 1985, laissant place à la Highway 40. La " Main Street USA " n'apparaît même plus sur les cartes routières. Ultime tour de piste Plus de vingt ans après son déclassement, la " Route 66 ", qui demeure un mythe, est devenue un lieu de pèlerinage ou encore un itinéraire d'évasion.
La "Route 66" passe dans le rouge
Ses défenseurs ne manquent pas. Réunis au sein d'associations, dès les années 90, ils mutiplient les actions pour la préserver la " Route 66 ".
Ainsi, l'axe est-il de nouveau fléché en plusieurs endroits sous le nom " Historic road 66 ".
Un autre organisme, le Word monuments fund, classe la "Route 66" parmi les cent monuments historiques les plus menacés au monde.
Des initiatives qui relancent quelque peu le tourisme et permettent à quelques établissements bordant la route de rouvrir leurs portes.
La " Route 66 " : un moteur pour les artistes
Durant ses décennies d'existence, la " Route 66 " insipre très largement le monde des arts.
Drainant derrière elle la culture populaire américaine, la " Mother road " constitue un décor mythique pour la chanson, le cinéma et la littérature.
Comme Charles Trenet interprète " Nationale 7 ", d'autres chante la " Route 66 " qui devient aussi un classique musical avec " Get your kicks on route 66 ", écrit par Bobby Troup, un GI, qui, a l'instar de ses homologues durant la seconde guerre mondiale, arpente la " Route 66 ".
Devenu un hymne, le titre est repris par Nat King Cole, Chuck Berry, les Rolling Stones, Depeche Mode ou encore Guitar Wolf.
Eddy Mitchell, grand fan des Etats-Unis, célèbre également cette part d'histoire du pays dans son album " Frenchy " avec la chanson, " Sur la route 66 ".
A la télévision et au cinéma également, la " Route 66 " constitue un décor somptueux.
Ainsi, la chaine américaine CBS lui consacre t-elle une série, " Route 66 ", qui compte près de 120 épisodes, diffusée entre 1960 et 1964.
Plus d'une trentaine de réalisateurs (Lewis Allen, Robert Altman, Richard L. Bare, William F. Claxton et William Conrad) et bien plus d'acteurs encore (James Coburn, Robert Duvall, Douglas Fairbanks Jr., Gene Hackman, Buster Keaton, Lee Marvin, Leslie Nielsen, Robert Redford, Martin Sheen et Rod Steiger) travaillent sur les épisodes. Tel un road movie, la série s'intéresse à deux amis,Tod et Buzz, qui suivent la célèbre "Route 66", à bord de leur voiture de sport, la Chevrolet Corvette, qui devient d'ailleurs l'emblème de la " Route 66 ".
La "Route 66" fait son cinéma
Au cinéma, parmi les films les plus emblématiques : " Easy rider " (1968) de Dennis Hopper.
Dennis Hopper y incarne Billy et Peter Fonda Wyatt, dit " Captain America ", deux protagonistes qui partent à la découverte de l'Amérique à moto, en empruntant la célèbre route.
Autre road movie au féminin cette fois, " Thelma et Louise " (1991) de Ridley Scott avec Geena Davis (Thelma) et Susan Sarandon (Louise).
Les deux jeunes femmes, lassées par leur existence, s'offrent une escapade, qui se transforme rapidement en cavale mortelle à travers les États-Unis.
Sur la route... de la renommée
La littérature a également fait la part belle à la " Route 66 " à commencer par " Les raisins de la colère " (1938) de John Steinbeck.
Dans ce témoignage sociologique l'auteur revient sur la vie difficile des ouvriers et des fermiers de l'Ouest américain pendant la Grande Dépression, qui pour fuir la pauvreté s'exilent.
En toile fond, toujours cet axe légendaire.
Au-delà d'un livre, il y a un mouvement qui a mis en lumière l'Amérique populaire qui borde la " Route 66 ", c'est la Beat generation, emmenés notamment par Allen Ginsberg, William Burroughs et surtout Jack Kerouac avec son illustre " Sur la route " (1957).
Un roman quasi autobiographique qui narre les errances de l'auteur (Sal Paradise dans le livre) et de son compagnon de route, Neal Cassady (Dean Moriarty) sur les routes américaines, au rythme de leurs rencontres, de l'alcool et des stupéfiants.
Au fil des pages, on y rencontre d'ailleurs Allen Ginsberg (Carlo Marx) et William Burroughs (Old Bull Lee).
Le livre devrait être adapté au cinéma en 2009.
Cet intérêt toujours porté à la " Route 66 " démontre que ça roule toujours pour celle qui demeure un monument de la culture américaine... La légende continue...
Caroline LEBENBOJM
Des paysages quasi irréels et des personnages souvent insolites qui défilent dans le rétroviseur... L'histoire de la " Route 66 " démarre sur le chapeau de roue, au milieu des années 20, sous la houlette de Cyrus Stevens Avery.
L'homme d'affaires se voit confier la réalisation d'une voie reliant l'Est à l'Ouest, dans un souci de développement économique.
Une oeuvre monumentale à laquelle participent des millions de personnes précipitées dans la Grande dépression.
Bien que s'appuyant sur des tronçons déjà existants, plus de dix ans de travaux seront nécessaires et ce n'est qu'en 1937 qu'émergent les 4.000 kilomètres (2 448 miles) de bitume de la Route 66.
La première route transcontinentale goudronnée d'Amérique, qui traverse huit états (Illinois, Missouri, Kansas, Oklahoma, Texas, Nouveau-Mexique, Arizona, Californie) avec pour point central Adrian dans le Texas, relie Chicago dans l'Illinois à Santa Monica en Californie.
La "Route 66" sous les feux des néons
Appelé " Mother Road " ou encore " Main Street USA ", l'axe, qui relie également les rives du lac Michigan et l'océan pacifique, devient évidemment stratégique et permet à l'" Amérique profonde " de se développer. Des villes comme Amarillo (au Texas), Albuquerque (au Nouveau-Mexique), Flagstaff et Kingman (en Arizona) s'émancipent.
Des centaines de motels, de cafés ainsi que des stations-services, signalés par les fameuses enseignes lumineuses, sont construits pour accueillir les routards créant ainsi des emplois.
La Route 66 sur la mauvaise pente
Une embellie de courte durée...
Empruntée par les touristes étrangers (qui traversent désormais la légende américaine comme jadis ils parcouraient des photos) et des Américains (avides de chevauchées mécaniques, désireux de tenter leurs chances sous le soleil de l'Ouest), la Route 66 est en perte de vitesse en raison de trajets rendus dangereux par l'usure de la route.
Dans le même temps, les autoroutes à quatre voies qui ont déjà émergées, notamment en Allemagne, séduisent les autorités américaines qui vont les préférer à la Route 66.
Les touristes pressés empruntent désormais les " highways " qui contournent les villes et les commerces qui jalonnent la Route 66. Une " révolution " qui entraîne la fin du tourisme pittoresque et local. En bout de course également, les néons des motels ou encore des drives in s'éteignent...
La " Mother Road ", symbole d'une Amérique anachronique, est officiellement déclassée le 27 juin 1985, laissant place à la Highway 40. La " Main Street USA " n'apparaît même plus sur les cartes routières. Ultime tour de piste Plus de vingt ans après son déclassement, la " Route 66 ", qui demeure un mythe, est devenue un lieu de pèlerinage ou encore un itinéraire d'évasion.
La "Route 66" passe dans le rouge
Ses défenseurs ne manquent pas. Réunis au sein d'associations, dès les années 90, ils mutiplient les actions pour la préserver la " Route 66 ".
Ainsi, l'axe est-il de nouveau fléché en plusieurs endroits sous le nom " Historic road 66 ".
Un autre organisme, le Word monuments fund, classe la "Route 66" parmi les cent monuments historiques les plus menacés au monde.
Des initiatives qui relancent quelque peu le tourisme et permettent à quelques établissements bordant la route de rouvrir leurs portes.
La " Route 66 " : un moteur pour les artistes
Durant ses décennies d'existence, la " Route 66 " insipre très largement le monde des arts.
Drainant derrière elle la culture populaire américaine, la " Mother road " constitue un décor mythique pour la chanson, le cinéma et la littérature.
Comme Charles Trenet interprète " Nationale 7 ", d'autres chante la " Route 66 " qui devient aussi un classique musical avec " Get your kicks on route 66 ", écrit par Bobby Troup, un GI, qui, a l'instar de ses homologues durant la seconde guerre mondiale, arpente la " Route 66 ".
Devenu un hymne, le titre est repris par Nat King Cole, Chuck Berry, les Rolling Stones, Depeche Mode ou encore Guitar Wolf.
Eddy Mitchell, grand fan des Etats-Unis, célèbre également cette part d'histoire du pays dans son album " Frenchy " avec la chanson, " Sur la route 66 ".
A la télévision et au cinéma également, la " Route 66 " constitue un décor somptueux.
Ainsi, la chaine américaine CBS lui consacre t-elle une série, " Route 66 ", qui compte près de 120 épisodes, diffusée entre 1960 et 1964.
Plus d'une trentaine de réalisateurs (Lewis Allen, Robert Altman, Richard L. Bare, William F. Claxton et William Conrad) et bien plus d'acteurs encore (James Coburn, Robert Duvall, Douglas Fairbanks Jr., Gene Hackman, Buster Keaton, Lee Marvin, Leslie Nielsen, Robert Redford, Martin Sheen et Rod Steiger) travaillent sur les épisodes. Tel un road movie, la série s'intéresse à deux amis,Tod et Buzz, qui suivent la célèbre "Route 66", à bord de leur voiture de sport, la Chevrolet Corvette, qui devient d'ailleurs l'emblème de la " Route 66 ".
La "Route 66" fait son cinéma
Au cinéma, parmi les films les plus emblématiques : " Easy rider " (1968) de Dennis Hopper.
Dennis Hopper y incarne Billy et Peter Fonda Wyatt, dit " Captain America ", deux protagonistes qui partent à la découverte de l'Amérique à moto, en empruntant la célèbre route.
Autre road movie au féminin cette fois, " Thelma et Louise " (1991) de Ridley Scott avec Geena Davis (Thelma) et Susan Sarandon (Louise).
Les deux jeunes femmes, lassées par leur existence, s'offrent une escapade, qui se transforme rapidement en cavale mortelle à travers les États-Unis.
Sur la route... de la renommée
La littérature a également fait la part belle à la " Route 66 " à commencer par " Les raisins de la colère " (1938) de John Steinbeck.
Dans ce témoignage sociologique l'auteur revient sur la vie difficile des ouvriers et des fermiers de l'Ouest américain pendant la Grande Dépression, qui pour fuir la pauvreté s'exilent.
En toile fond, toujours cet axe légendaire.
Au-delà d'un livre, il y a un mouvement qui a mis en lumière l'Amérique populaire qui borde la " Route 66 ", c'est la Beat generation, emmenés notamment par Allen Ginsberg, William Burroughs et surtout Jack Kerouac avec son illustre " Sur la route " (1957).
Un roman quasi autobiographique qui narre les errances de l'auteur (Sal Paradise dans le livre) et de son compagnon de route, Neal Cassady (Dean Moriarty) sur les routes américaines, au rythme de leurs rencontres, de l'alcool et des stupéfiants.
Au fil des pages, on y rencontre d'ailleurs Allen Ginsberg (Carlo Marx) et William Burroughs (Old Bull Lee).
Le livre devrait être adapté au cinéma en 2009.
Cet intérêt toujours porté à la " Route 66 " démontre que ça roule toujours pour celle qui demeure un monument de la culture américaine... La légende continue...
Caroline LEBENBOJM