Gil Scott-Heron est un artiste dont on n'entend pas assez parler en France. Mais si le patronyme ne renvoie pas à grand chose pour la plupart, il résonne comme celui d'un grand maître pour d'autres. C'est particulièrement le cas pour les rappeurs professionnels américains et autres amateurs du genre.
Ce natif de Chicago s'illustre sur la scène musicale, à partir des années 70, en entonnant à tout va son spoken word, sur fond de dénonciation du système. Il fait aussi dans la soul, le funk et le jazz.
De « Pieces of a man », livré en 1971 à « Spirits », le musicien doublé d'un poète-écrivain est resté un observateur caustique de sa société. Plusieurs années de silence artistique n'ont fait que rendre plus remarquable le retour en 2010 du « père spirituel du rap ».
À la découverte de Gil Scott-Heron
Gil Scott-Heron pousse ses premiers cris, en hommage à la vie, le 1er avril 1949, dans la municipalité américaine de Chicago. Mais c'est dans le Tennessee, près de sa grand-mère maternelle Lillie Scott, que ce fils de footballeur va grandir.
La jeunesse de Gil Scott-Heron connaîtra nombre d'influences artistiques favorables à l'éclosion de ses multiples talents. Le goût de la musique lui vient, sans nul doute, de sa mère qui chante dans le New York Oratorial Society.
Son paternel investit ses heures perdues dans l'écriture de poèmes et son épouse travaille dans une bibliothèque. Le tableau est parfait pour que se développe chez l'adolescent des intérêts pour les lettres.
En 1962, Gil Scott-Heron intègre la Fieldson School, où un de ses écrits lui ouvrira les portes de la Lincoln University, grâce à une bourse d'études. Là, il fonde le collectif Black and Blues, en compagnie de Brian Jackson.
Deux ans après ses débuts à la fac, il prend une période sabbatique et se consacre à un roman, qu'il publie en 1970, sous le titre « The vulture ».
Le poète qui scande ses textes
Gil Scott-Heron pose les premiers jalons de sa carrière musicale solo, dans les années 1970. Au début de la décennie, il livre un disque sous le titre « Small talk at 125th & Lenox ». Ce 33 tours voit le jour, grâce à la contribution de musiciens du jazz en vue à l'époque, tels Charlie Saunders et Eddie Knowles.
Le musicien s'impose d'emblée, à cause d'un style qui fait figure de véritable innovation à l'époque. Plus proche des vers déclamés, sur fond de musique, que de véritables chansons, chaque ligne des titres est comme une flèche décochée sur le système.
La presse est remise en question par les paroles de « Whitey on the moon », comme une institution exclusivement blanche. Ce premier opus n'est pas sans rappeler les styles des Otis Redding ou des John Coltrane.
L'artiste poursuivra ensuite son parcours, en livrant régulièrement de nouveaux disques, entre 1971 et 1979. Il réussira la prouesse de se retrouver 15ème au classement des titres R'n'B en 1978, avec un single baptisé « Angel dust ».
Un artiste au bagout qui tranche
La musique de Gil Scott-Heron se veut être une arme contre les formes d'injustices qui frappent la communauté afro-américaine. Et dans le maniement de celle-ci, l'artiste affiche une dextérité redoutable.
L'auteur de « Moving target », qui sort en 1982, ne connaît pas de retenue, quand il montre du doigt Ronald Reagan en personne. En 1985, son label de depuis dix ans, Artista Records, le radie et le musicien déserte les studios.
Gil Scott-Heron n'en réussit pas moins à toucher sa cible en 1993, avec son titre « Message to the messengers ». En incitant les jeunes à raviver l'art dans la musique et à inverser le cours des choses en utilisant l'arme des vers et de la mélodie, le personnage s'impose comme le guide spirituel du mouvement rap.
Emprisonné à deux reprises, il voit sa carrière mise entre parenthèses. Le public le reverra sur scène à partir de 2007, mais d'autres forfaits le ramènent derrière les barreaux. Le public n'entendra plus parler de lui, pendant un temps, avant que Gil Scott-Heron ne fasse son coup de théâtre en 2010.
« I'm new here » est dans les bacs depuis le mois de février, sous le label Beggars Banquet. Ses 16 pistes marquent le retour en force d'un artiste, qui est l'homme d'une seule ambition : observer et scander plus fort ce qui ne va pas.