Nostalgie.fr : Il y a 40 ans, en 1971, vous avez 22 ans, et vous partez à San Francisco. Vous habitez un mois dans une communauté d’hippies, dans une maison qui deviendra la chanson San Francisco, et qui lancera votre carrière. Comme était la vie là-bas ?
Maxime Le Forestier : Nous étions entre 15 et 20. Je me souviens des visages, des voix. Je me souviens de cette grande table dans la pièce à vivre. C’était une énorme bobine qui servait à ranger des câbles sur les chantiers, je me demande encore comment elle est arrivée là. Je me souviens quand nous allions camper dehors, et qu’il fallait faire attention aux ours. Je n’ai aucune image de cette période. Même si j’avais eu un appareil, je n’aurais pas pris de photos, je n’avais pas l’impression de vivre quelque chose qui provoquerait de telles interrogations, 40 ans plus tard.
Nostalgie.fr : Comment la chanson San Francisco est-elle née après ce voyage ?
Maxime Le Forestier : Je l’ai écrite très en vite, en une après-midi, quelques semaines après être revenu à Paris.
Nostalgie.fr : Comment expliquez-vous le succès de cette chanson ?
Maxime Le Forestier : Elle n’a pas seulement été écoutée, elle a été jouée. Elle reste très simple, comme je savais jouer de la guitare à l’époque. Le petit nombre d’accord qu’il faut connaître a permis à peins de profs, de chef scouts, d’animateurs de colo, de la jouer et de l’apprendre aux autres. C’est quelque chose de physique. Brassens disait : "Mes chansons sont faites pour être chantées".
Nostalgie.fr : 40 ans plus tard, vous êtes revenu dans cette Maison Bleue. Comment se sont passées les retrouvailles ?
Maxime Le Forestier : J’ai eu un vrai moment d’émotion, assis sur le perron de la maison, où j’ai constaté l’absence. Ça a été lourd. Mais ce n’est pas de la nostalgie, c’est du chagrin. Je n’ai pas le regret de cette époque, de mes 20 ans. Je ne laisserais personne dire que c’est le plus bel âge de la vie.
Nostalgie.fr : Comment avez-vous retrouvé la maison ?
Maxime Le Forestier : Je n’avais plus l’adresse. Chaque fois qu’un copain était à San Francisco, il m’envoyait un texto en me demandant où était la maison Bleue, et je répondais toujours "Adossée à la colline" ! Et c’est là qu’il y a des miracles. Au moment où le projet a été lancé, je faisais des grands rangements. J’ai retrouvé une caisse, avec dedans mon carnet d’adresse de 1971.
Nostalgie.fr : Vous avez retrouvé vos camarades de la chanson pour l’occasion, Phil, Sylvia… Vous ne les aviez pas revus depuis tout ce temps ?
Maxime Le Forestier : J’étais retourné à San Francisco en 1976, pour un concert. Le lendemain, je suis allée avoir la maison bleue. Il ne restait plus que Lisa et un autre. Puis je les ai recroisés dans les années 1990, pour une émission de télévision. J’étais totalement opposé à cette idée, car à ce moment-là, beaucoup étaient très malades, et ils ne sont plus là aujourd’hui. Je ne voulais pas voir Luc avec ses béquilles. Il y a eu une épidémie de sida qui a décimé San Francisco… Maintenant, le temps a passé.
Nostalgie.fr : Comment est la maison aujourd’hui ?
Maxime Le Forestier : Nous l’avons repeinte en bleu, pour l’occasion. Maintenant, elle est occupée par deux femmes mariées, qui ont des enfants et une foultitude de chiens. La maison reste assez bordélique, il y a toujours ce quelque chose, qui appartient aussi à ce quartier du Castro. Le consul de France à San Francisco a soumis une belle idée : que ce soit un jour la France qui rachète la maison, et que ça devienne une résidence d’artiste. Je serais le parrain sans problème… Même si ça ne verra jamais le jour, l’idée est jolie.
Maxime Le Forestier… C’est une maison bleue, France 3, lundi 19 septembre à 20h35.
Amélie BERTRAND