Le 5 juin 1983, Yannick Noah, 23 ans, tête de série n°6, arrive porte d’Auteuil pour écrire l’une des plus belles pages du sport français. Il doit affronter le Suédois Mats Wilander, 18 ans seulement et déjà tenant du titre, en finale de Roland-Garros. L’excitation est à son comble dans le pays et à l’intérieur d’un court central plein à craquer. Face à face, deux styles et tempéraments diamétralement opposés pour une confrontation qui va durer 2h25 minutes et à l’issue de laquelle Yannick Noah fera chavirer la France entière en disposant du Suédois en trois sets épuisants 6-2, 7-5, 7-6 (7/3). Le joueur tombe alors dans les bras de son père Zacharie, ancien vainqueur de la Coupe de France de football avec le Club sportif Sedan Ardennes.
Pour ce faire, Yannick Noah joue crânement sa chance et modifie quelque peu son style pour déstabiliser Wilander en gênant ses remises en revers. Il faut dire que le tennisman semble imprenable depuis le début de la quinzaine ne concédant qu’un seul set face à Ivan Lendl en quarts de finale. Rien ne semble arrêter le Français, même pas une vive douleur au dos ressentie la veille de son match face au champion tchécoslovaque, sans doute le plus difficile de la quinzaine en dehors de la finale.
Noah en mode commando
Cette victoire en grand chelem, la seule de sa carrière, à Paris qui plus est, Yannick Noah la veut et il s’en donne les moyens. Sa préparation fera notamment la différence. Au tournoi de Monte-Carlo début avril, le déclic s’opère après un mauvais match face à Orantes. Le Français prend conscience des efforts qu’il doit consentir pour se donner toutes les chances de briller à Roland-Garros. Il mène alors une préparation dans le plus grand secret fuyant les sollicitions pour ne se concentrer que sur le tournoi.
Pourtant, quelques jours auparavant, Noah s’imagine raccrocher la raquette. Il quitte en effet la Coupe des nations, qui se déroule à Düsseldorf, pour raisons personnelles et sera d’ailleurs suspendu deux mois après Roland-Garros. Dans un entretien au Monde, le tennisman raconte : "Le dimanche soir, j'appelle mon meilleur pote. Je lui dis qu'avec mes économies, on peut s'acheter une petite baraque au Cameroun, je me mets à la guitare, on monte un groupe et j'arrête le tennis. Il me dit : "Arrête tes conneries, joue Roland, on verra après". Un conseil des plus judicieux.
Comme un symbole, Yannick Noah reçoit le trophée des mains de Marcel Bernard, le dernier vainqueur tricolore du tournoi en 1946. Pour mesurer l’exploit de Noah, il suffit de se rappeler qu’il n’a jamais été réitéré depuis 40 ans.