Une création de groupe atypique
L’histoire de la formation des Rita Mitsouko en 1979 est déjà en elle-même originale. En effet, Catherine Ringer et Fred Chichin se rencontrent cette même année sur la comédie musicale "Flashes rouges" de Marc'O (ami de Boris Vian et André Breton). En remplacement d’un musicien non payé, Fred Chichin est engagé pour le spectacle alors qu’il sort de prison, avant de convaincre Catherine Ringer de quitter la troupe et de lancer avec lui un groupe aux accents rock. Les débuts du duo se font dans des petites salles mais aussi dans des bars, des restaurants ou des clubs comme Le Gibus, qui est devenu un repère des punks parisiens. Les deux futurs amoureux sont tellement marginaux dans leur vision de la musique qu’ils ne trouvent aucun musicien pour les accompagner et se retrouvent à jouer sur scène aux côtés d’un magnétophone Revox qui passe leurs bandes enregistrées. En 1981, le duo jusqu’alors nommé Sprats choisit désormais de s’appeler Rita Mitsouko, en hommage à l'actrice Rita Hayworth et à la strip-teaseuse Rita Renoir, mais aussi à l’un des parfums historiques de Guerlain, "Mitsouko"…
Les Rita Mitsouko, un groupe OVNI dès ses débuts
Grâce notamment à leur talent et à un petit coup de pouce de leurs copains de Taxi Girl, Les Rita Mitsouko signent leur premier contrat chez Virgin où ils font office d’extra-terrestres, tant au niveau de leur musique que celui de leur look. Prenant dès leurs débuts le parti de ne copier personne, Les Rita Mitsouko inventent un style musical inclassable qui énerve au départ leur maison de disques, avant de la combler de bonheur lorsque "Marcia Baila" devient l’un des gros succès de l’année 1984. Les premiers tubes du duo ("Marcia Baila", "Andy", "C'est comme ça", "Les histoires d'A.") sont représentatifs du son que souhaite imposer le groupe : un pop-rock dynamité empruntant à de nombreux styles de musique (funk, disco, mambo, électro, etc.), qui accompagne la voix très particulière de Catherine Ringer sur des paroles au langage venu des faubourgs.
Une identité visuelle unique en son genre
Le succès des Rita Mitsouko s’est aussi fait sur leur apparence, qui était tout sauf traditionnelle. En plus de leurs vêtements improbables leur donnant un look complètement loufoque, les deux membres du groupe décident très vite de se forger une identité visuelle supplémentaire en travaillant très attentivement leurs clips vidéo. Faisant partie des premiers groupes français à leur donner une telle importance, Les Rita Mitsouko confient leurs clips à de grands spécialistes, tels que Jean-Baptiste Mondino ("C'est comme ça" et "Les histoires d'A."), qui parviennent à recréer l’esprit singulier du duo à l’écran. Entre des mises en scène invraisemblables et la garde-robe anticonformiste de Catherine Ringer et Fred Chichin, les clips sont colorés et déjantés à souhait, et deviennent l’une des grandes marques de fabrique des Rita Mitsouko. Le duo remportera même en 1994 le titre de clip de l'année aux MTV Europe Music Awards pour "Y'a d'la haine", devenant ainsi l’un des rares groupes français primés lors de cette cérémonie.
Une singularité qui a inspiré Jean-Luc Godard
Très expansifs et sachant manier l’art de la provocation à merveille, Les Rita Mitsouko savaient aussi paradoxalement cultiver une part de mystère ("mitsouko" signifiant d’ailleurs "mystère" en japonais). C’est cette ambiguïté qui attire Jean-Luc Godard au milieu des années 1980. Le réalisateur, considéré lui-même comme un talent exceptionnel mais marginal, consacre ainsi aux Rita Mitsouko une partie de son long métrage "Soigne ta droite" (un film mêlant une intrigue et un documentaire sorti en 1987). Filmant l'enregistrement de l’album mythique du groupe "The No Comprendo", Jean-Luc Godard parvient alors à saisir la complicité professionnelle et personnelle qui existait entre Catherine Ringer et Fred Chichin, au milieu de leur studio de vie et d’enregistrement parisien.
Les Rita Mitsouko ont mis l’underground à la mode
"On ne veut pas tellement s’adapter au marché… Je pense que c’est le marché qui va être obligé de s’adapter à nous." Lors d’une interview télévisée donnée en 1982, Fred Chichin avait su parfaitement résumer l’essence même des Rita Mitsouko. Capable de faire une grande salle parisienne un soir et de donner un show dans un petit club de la capitale le lendemain, le duo a su mettre en quelque sorte l’underground à la mode, en tâchant de toujours conserver une liberté artistique totale. Les Rita Mitsouko ont aussi été l’un des rares couples d’artistes à avoir réussi dans le paysage musical français, sans jamais se séparer. La mort de Fred Chichin en novembre 2007, et le courage de Catherine Ringer pour reprendre l’année d’après la tournée qui avait été interrompue et ainsi continuer à faire vivre le groupe, ont achevé l’histoire singulière des Rita Mitsouko.