J'aimerais bien connaître l'histoire de cette boucle d'oreille qui ne vous quitte pas depuis très longtemps déjà.
C'est une boucle d'oreille... Disons que ça, c'est le symbole du voyage ! C'est-à-dire que les marins mettaient une boucle d'oreille. Disons que c'est un point d'acupuncture pour l'acuité de la vision. C'est que les marins ont intérêt à voir très, très loin, effectivement !
Donc, j'ai pris ce symbole. C'est plutôt un symbole de voyage, qu'un symbole de piraterie. Quoique... pourquoi pas finalement , mais non ! C'est plutôt un symbole de voyage et de déplacement. La possibilité de savoir où on est. Ce qu'on fait à un moment précis !
Alors, comme tous les marins le savent, à un moment donné dans l'océan, on peut avoir des doutes, mais il ne faut pas trop en avoir. C'est pas bon, mais disons que j'ai gardé cette boucle d'oreille et les gens qui me reconnaissent pas des fois, quand j'ai un masque, ils me reconnaissent uniquement à ça. Un genre d'antenne, c'est assez marrant. Il y a deux choses. Il y a ma voix. Je sais pas pour quelle raison. En tout cas, on me dit "je vous ai reconnu à votre voix", ma voix parlée car je ne chante pas en permanence !
Dans les yeux aussi ?
Les yeux, peut être. Si on ne vois pas mes yeux, on me reconnaît à ma voix. Et si je suis de dos à quelqu'un, une femme. On reconnaît évidemment, la boucle d'oreille, mais surtout à la voix d'ailleurs.
Et d'où vient cette passion pour la samba, le reggae ?
Oui d'autres musiques ensoleillées qui sont dans notre culture depuis très longtemps. Au fond, les jazzmen ont puisé dans ces musiques aussi et ces musiques ont puisé des fois dans le jazz. Mais c'est des musiques originelles, la samba, comme la cumbia colombienne. Moi, j'adore cette rythmique latino américaine avec un peu de sophistication, parfois harmonique. Mais moi, j'aime bien les musiques qui font danser.
Mais pour vous, gamin de Saint-Etienne comme vous, comment est venue cette passion de cette musique ?
Because St Etienne !
Parce-qu'il n'y avait pas de soleil ?
Non pas de soleil ! Très, très pollué ! Énormément d'usines qui crachaient, des mines de charbon et d'usines d'acier. Après, il y avait beaucoup d'entreprises où je travaillais moi, qui fabriquait des armes. Mais Saint-Etienne n'avait pas assez de soleil et en même temps, moi, mon père écoutait pas mal de musique cubaine. On était un peu baigné dans une musique tropicale.
Plus jeune, vous aviez un petit peu de colère
Par rapport à l'injustice ? Forécemnt, ça ne lâche pas comme ça, la colère. On ne devient pas retraité de la colère. Là pour le coup, Je fais partie d'organisation, surtout en ce moment d'ailleurs, c'est la COP 26, ils vont essayer de régler le problème... Pas si sûr. Enfin, voilà ! Je ne m'exprime plus de la même manière. Je chante comme un crooner parfois. Mais justement, ce qui est intéressant, c'est d'écrire des textes assez radicaux, même on va dire avec pas mal d'humour ! Il faut ! Et les chanter avec une voix douce, comme si Franck Sinatra chantait "dans n'importe quel pays, n'importe quelle couleur". Avec cette voix.
Est-ce que vous pensez que vous êtes un provocateur ?
Je sens pas le besoin d'être un provocateur, moi, je suis un chercheur, je ne fais jamais deux fois le même disque, je sais pas si vous avez remarqué ? Et ça, c'est d'abord ça ! mon intérêt ! C'est de pas à me rabâcher. Et de travailler longtemps. Parce que là, en plus, avec le covid, bosser un maximum de temps sans se voir, c'est un peu bizarre. Mais la provocation est finalement dans la création. S'il y a provocation sans dimension esthétique, je vois pas l'intérêt.
Vous n'aimez pas tellement le studio, c'est plus pour la scène que vous faites des chansons ?
C'est vrai, je ne peux pas passer ma vie dans un studio. Jamais ! Il y a des gens, je les connais. Ils peuvent passer leur vie, dorment dedans, mais moi, non. Benjamin Biolay, par exemple, mais moi, non. Quand j'y vais pour être efficace, ça me plaît beaucoup parce que c'est un travail de chirurgie aussi.
C'est à ce moment là qu'existe la chanson. On l'a écrit avant, on a fait des arrangements, mais c'est à ce moment là qu'on les entend. Physiquement, ça, ça me plaît pour ça. C'est-à-dire qu'à ce moment là, on essaye la voix, voire l'interprétation.
L'interprétation est très importante dans une chanson. Vous savez bien qu'il y a des chansons qui ne seraient jamais connues si elles étaient écrites par leur compositeur, par exemple parce qu'ils étaient pas faits pour chanter et que c'est mieux d'avoir un interprète qui fait passer la chose...Il arrive aussi que des auteurs, compositeurs, hommes ou femmes, arrivent à être de bons interprètes, mais ce n'est pas toujours le cas. En dehors de ça, le studio, je considère ça comme un laboratoire. On fait des expériences, mais c'est à la fois une finalité, mais c'est un laboratoire, de toute manière un studio.
Alors après la scène, on joue pas forcément la bande, ce qui a été enregistré en studio. Parce-que, d'une part, les gens ne sont pas venus pour écouter le disque. Ils l'ont déjà, donc. Donc l'interprétation scénique impose des arrangements différents. On réarrange même les chansons qu'on vient de faire parce le studio, la belle voix grave sur scène, ça ne marche pas forcément parce-qu'il faut que la voix passe aussi. Donc, on les arrange différemment. Et de toute façon, si je n'écrivais plus de chansons, je ne monterai plus sur scène. Je ne crois pas !
Et sur scène, vous avez encore le trac aujourd'hui ou pas du tout ?
Parfois, parfois, ça arrive encore. Ah oui, oui, mais c'est complètement improbable. Ça peut m'arriver sans aucune raison. Quand, justement, on c'est Jiminy Cricket, là, le cerveau improbable de l'être humain qui tout à coup, me met dans un état particulier alors que ça fait un an que je suis en tournée et tout à coup de temps en temps, je ne sais pas pourquoi j'ai peur de monter, mais ça, c'est l'animal sans doute alors que sur scène, je suis vraiment chez moi, je connais vraiment ça, c'est mon métier. C'est pas exotique. On me pousse pas ! Moi, j'aime bien être sur scène. Faut pas non plus rester des heures...
Et quand vous écrivez vos chansons ? Vous regardez un peu le monde ?
Je vais sur place surtout.
Mais comment ça se passe quand vous écrivez... N'importe où ? Dans un hôtel, dans un studio ?
Moi, j'ai des carnets dans ma poche, j'écris en marchant parfois. En général, je préfère être loin. Quitte à prendre des notes et finir la rédaction. Par exemple, dans le dernier album. "Le piéton de Buenos-Aires", c'est la première chanson que j'ai écrit sur place.
J'étais à Buenos Aires. Pourquoi ? Parce-que je connais tout le reste de l'Amérique latine. Je m'étais gardé Buenos Aires et l'Argentine pour plus tard. Donc, je me dis "Tiens, je vais aller les voir, ces Argentins, ces Porteños" à un moment donné, donc j'y suis allé en 2019.
Je reste longtemps. Moi, je ne fais pas un petit séjour, je m'installe trois mois, donc je connais les musiciens, je fais les maquettes. Avant tout, c'est des rencontres. D'abord, le peuple, les artistes, des fois, c'est les artistes qui viennent du peuple comme moi. Mais d'abord, il faut se mélanger et le fait d'être inconnu. De pas représenter quoi que ce soit, c'est très intéressant pour écrire.
On va terminer avec "Je tiens d'elle".C'est sur Saint-Etienne ?
Oui, c'est avec mes copains stéphanois. "Terrenoire", il s'appelle le groupe. Vous les avez rencontré comment ? J'ai écouté, j'étais sur le Net et je me dis. Bon, je vais écouter, en plus pendant le covid, Terrenoire, c'est un quartier de ma ville, de notre ville parce qu'il m'appartient pas et je me dis qu'est-ce qu'il raconte et j'écoute... pas mal du tout. Et finalement, je les rencontre après. Et puis on se dit "tiens, si on travaillait ensemble". Donc, ils m'envoient un long texte sur Saint-Etienne, je leur ai dit, j'ai déjà écrit une chanson et finalement, je me suis remis au boulot avec eux, c'est vraiment une chanson écrit ensemble dans leur studio.
Donc, on l'a fait. C'est vraiment une chanson commune sur une ville commune qu'on connait très bien. Alors, eux ont 25 ans, 50 ans de moins que moi, à peu près, ils n'ont pas connu la même ville, exactement. Mais en tout cas, leur grand-père était déjà là, lui, dans les mines. Donc, c'est une chanson qui me plait beaucoup parce qu'en plus, ça a été assez rapide. Des fois, les chansons, quand c'est trop, c'est trop long. Je me méfie , j'aime bien écrire assez vite et qu'on réalise assez rapidement. Sinon, j'ai toujours l'impression qu'il est possible qu'elle soit pas légitime. Ça peut arriver des fois
Pour terminer votre mot préféré ?
"Soleil"
"Sous un soleil énorme". Nouvel album sorti le 12 novembre. En concert à Courbevoie, à Marseille, à Nice, Roubaix, Mâcon, partout en France l'année prochaine, en 2022. Et du 16 juin au 19 juin 2022 puis en octobre 2022 à l'Olympia à Paris.