Au tournant des années 1980, David Bowie, la trentaine bien entamée, arbore désormais une dégaine de dandy british et aspire à une vie calme dans le splendide château du Signal qu’il vient d’acquérir sur les collines de Lausanne, en Suisse. Une période de changement et de réflexion après le divorce avec l’actrice Angela Barnett. L’inspiré interprète de "Life on Mars?" ou "Space Oddity" n’entend pas pour autant disparaitre de la scène au profit des eaux calmes du lac Léman. Bowie veut tutoyer les sommets des charts, produire un succès mondial dans une décennie qui se globalise à vitesse grand V.
Au sein d’une industrie du disque bousculée par l’avènement du clip vidéo qui dicte de nouveaux codes artistiques, le chanteur britannique, qui vient de quitter le label RCA pour EMI, entend marquer les esprits. Pour ce faire, il s’inspire de l’une de ses idoles, l’excentrique et talentueux Little Richard, pionnier du rock and roll, et va chercher un autre musicien particulièrement doué : Nile Rodgers. Guitariste du groupe disco à succès Chic, Rodgers est également un producteur reconnu qui a signé quelques temps plus tôt l’album "Diana" de Diana Ross avec au menu des tubes comme "Upside Down".
Le piège du succès commercial
Conscient des qualités indéniables du musicien new-yorkais, justement rencontré dans un bar de la Grosse Pomme, David Bowie lui confie une grande partie de la production musicale de l’album "Let’s Dance". A l‘image du single éponyme, la ballade un peu sombre composée par Bowie, qui s’inspire du conte "Les Chaussons rouges", se transforme en un tube dansant qui va conquérir le monde sous les mains expertes de Rodgers. En guise de rappel des influences rock des années 1960, le guitariste place en introduction une montée vocale extraite du morceau "Twist and Shout" des Beatles.
Sans doute le plus gros succès de David Bowie, "Let’s Dance" atteint son but en se classant en tête des charts un peu partout et notamment simultanément aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Un succès voulu et par la suite subi par le chanteur anglais qui se sentira par la suite contraint de se soumettre à une logique commerciale bien éloignée de ses expérimentations de ses débuts. "Le succès m’a obligé à le faire", commentera-t-il notamment. La rançon de la gloire en somme.