Il n’est parfois question que d’une rencontre pour faire basculer une vie. Au début des années 80, Mylène Gautier n’est pas encore la superstar Mylène Farmer. Elle est même une parfaite inconnue ! Une passionnée de musique qui vit de petits boulots mais rêve d’une carrière au cinéma. C’est lors d’un casting qu’elle rencontre le futur auteur-compositeur, Jérôme Dahan. A cette époque, les deux artistes ne se doutent pas qu’ils travailleront un jour ensemble sur un projet musical de grande ampleur.
Vers 1983, l’assistant-régisseur finit par se consacrer à sa passion, l’écriture de chanson. Il écrit en collaboration avec le compositeur Laurent Boutonnat : "Maman a tort". Ce titre audacieux qui évoque un amour lesbien entre une petite fille et son infirmière peine à trouver une interprète. Ses auteurs auraient souhaité initialement voir une jeune fille la chanter, mais des casse-têtes administratifs et juridiques rendent la tâche complexe. Un casting est finalement organisé, Jérôme Dahan retrouve alors Mylène Gautier.
La tête de l’emploi
La décision des deux compositeurs ne se fait pas presser. La prestation de Mylène, qui passe alors sa première audition musicale, convainc le duo directement. Dans le livre de Brigitte Hemmerlin et Vanessa Pontet, "Mylène Farmer, la star aux deux visages", paru en 2010, Laurent Boutonnat déclarait : "Dès que je l'ai aperçue, j'ai aussitôt compris que ce serait elle et personne d'autre. On aurait juré qu'elle sortait de l'hôpital avec ses cheveux longs, à la limite de la psychose". Même son de cloche pour Jérôme Dahan au micro d’Europe 1, en 1984 : "Quand elle a chanté la chanson, j'ai eu la réelle impression que c'était vraiment elle qui avait écrit le texte". La machine est lancée, Mylène Gautier emprunte à Frances Farmer, une actrice au destin tragique des années 30, son nom de famille. C’est la naissance de Mylène Farmer.
Il y a 40 ans... a star was born. ♥️
— 米兰花玛 (@cpoplegend) March 2, 2024
Maman a tort is one of my favorite Mylène songs and one of her songs I listened to when I started my Mylène journey, it holds a special place in my heart. At that time my English was much worse than it is now and I had no interest in learning… pic.twitter.com/vP1xTejRUI
Accueil mitigé mais carton à l’arrivée
Comme toutes les innovations et les irrévérences, le tube reçoit à l'époque un accueil partagé. En raison de son caractère homosexuel, inspiré du personnage du roi Louis II de Bavière, le texte ne séduit pas les maisons de disque. La chanson sortira finalement au format 45 tours en mars 1984 chez RCA. Pour pousser la provocation, la pochette du disque est une photo noire et blanche de Mylène Farmer, habillée seulement d’une légère nuisette.
Peu satisfait de l’accueil du public face à ce titre, et craignant de perdre la confiance de RCA, Laurent Boutonnat décide de rééditer le vinyle et de lui offrir une nouvelle devanture. C’est à ce moment que la rouquine commence à donner des interviews, et que son tube ne quitte plus les stations de radio. Bien que critiqué et controversé, ce titre fondateur s’est écoulé à plus de 100.000 exemplaires avant d’intégrer l’album "Cendres de lune" sorti en 1986.
La presse d’alors parle d’un "ovni", ou d’un "conte étrange aux allures saphiques". De nombreuses interprétations fleurissent alors sur le caractère profond des paroles. Le clip réalisé pour seulement 5.000 euros par Laurent Boutonnat commence par un portrait du psychanalyste Sigmund Freud, et montre une série de photos de Mylène Farmer. Après sa première diffusion en mai 1984, la vidéo connait plusieurs censures. Les chaines qui font le choix de la diffuser vantent son originalité et son indifférence face aux codes sociétaux.
Fort, engagé et en marge des normes, "Maman a tort" représente bien la ligne artistique prise par l’interprète de "Sans contrefaçon". Dans une industrie musicale du milieu des années 80 qui cherche à s’émanciper, ce tube a ouvert la voie à de belles innovations artistiques. Bravo Mylène !