"Roger a travaillé très dur et il a une annonce spéciale à faire." Lorsque le guitariste de Queen, Brian May, cède le micro des Brit Awards à son camarade, Roger Taylor, le 12 février 1992, il ne peut s’empêcher de souligner l’investissement du batteur dans le projet qu’il vient dévoiler au public lors de la cérémonie musicale de l’année au Royaume-Uni.
Prix spéciale dans la main, remis à titre posthume à Freddie Mercury pour sa contribution exceptionnelle à la musique, moins de trois mois après sa tragique disparition, Roger Taylor invite tous ceux qui veulent rendre hommage au chanteur à rejoindre Queen à Wembley, le 20 avril qui suit, pour un événement aux contours encore flous.
"On est fou ? Peut-être bien !"
Le rendez-vous est pris et malgré l’absence d’information sur le concert, les 72.000 places s’écoulent, quelques jours plus tard, en trois heures seulement. Les participants à cette journée hors-norme ne regretteront pas leur venue. Il faut dire que l’affiche finale est à la hauteur de l’hommage rendu à Freddie Mercury. Sur scène, une vingtaine d’artistes, parmi les plus importants du moment, se succèdent pour interpréter les hits de Queen. Aux côtés de Brian May, Roger Taylor et John Deacon : Elton John, qui prendra une part active à l’événement, David Bowie, Annie Lennox, Paul Young, George Michael, Seal, Lisa Stansfield, Liza Minnelli, Robert Plant, Guns N' Roses ou encore Metallica. Même U2 participera au show en duplex depuis la Californie, où il se produit dans le cadre de son monumental Zoo TV Tour. Tout simplement exceptionnel.

C’est dire si Taylor, May et Deacon, accompagnés du manager de Freddie Mercury, n’ont effectivement pas chômé pour réunir une telle affiche en à peine quatre mois, dans le temple londonien de Wembley. Evoquant les critiques rétrogrades visant Freddie Mercury après son décès, Roger Taylor raconte dans le documentaire de la BBC "Freddie Mercury: The Final Act" : "Nous étions très en colère et nous avons dû défendre notre ami – notre meilleur ami. Je suis devenu obsédé par l'idée de lui offrir un sacré adieu."
"Je me souviens que je suis allé chez le promoteur Harvey Goldsmith avec notre manager Jim Beach, poursuit le musicien. Nous avons dit : "Nous voulons le stade de Wembley." "Qui va chanter ?" Alors on a répondu : "Eh bien, nous avons cette liste…" Et il m'a juste regardé et il a dit : "Tu es fou !" A ce moment-là, j'ai pensé : "On est fou ? Peut-être bien !" Le projet était lancé et la liste allait s’avérer bien réelle.
Une prise de conscience essentielle
Dans le contexte exprimait par le batteur de Queen, l’hommage à Freddie Mercury devait également être un coup de projecteur sur le sida dont le chanteur venait d’être victime après un long et terrible combat. Dans les coulisses de Wembley, David Bowie s’exprimera en ce sens : "C’est incroyablement important que ce moment soit comme l’explosion d’une prise de conscience. Je pense que plus nous serons conscients des responsabilités qui pèsent sur nos épaules à partir de maintenant, plus nous pourrons véhiculer cette prise de conscience auprès des autres."

Le 20 avril, tout est prêt et les backstage de Wembley pèse un milliard et demi d’albums à la vue des stars présentes. Devant plus de 70.000 personnes, l’adieu à Freddie Mercury s’annonce incroyable. Il le sera, rassemblant un milliard de téléspectateurs et occasionnant un tournant dans la prise de conscience liée à l’ampleur de l’action à mener contre le virus du Sida. Un sacré adieu.