Un début de carrière difficile
On peut croire par sa bonhomie et sa légèreté que tout a toujours été simple dans la vie d'Alain Souchon, mais ce fut loin d'être le cas. Sa jeunesse fut même difficile, marquée par la mort de son père biologique Pierre Souchon en 1959 dans un accident de voiture (né Alain Kienast, il adoptera le nom de famille du second époux de sa mère) et une enfance très peu portée sur les études. Élève dissipé et distrait, il est même envoyé en pension, puis dans un lycée français en Angleterre, où il n'étudiera pas et vivra de petits boulots. Son échappatoire : la poésie, et la chanson bien sûr. À son retour en France, il tente de faire carrière sur Paris, mais le résultat n'est guère concluant. Le talent de sa plume est indéniable, mais rien n'y fait : en 1972, l'année de naissance de son fils Pierre, il sort trois premiers 45 tours chez Marconi : "Je suis un voyageur", "Un coin de solitude" et "Et demain sera un autre jour". Mais aucun ne rencontre le succès.
Une rencontre déterminante
Touché par de sérieuses difficultés financières, Alain Souchon pense sérieusement à quitter Paris avec son épouse Françoise Villechevrolle et son fils. Il essaie alors d'écrire des textes pour d'autres artistes et pouvoir payer ses dettes. Parmi ces textes, un se détache du lot pour le chanteur : "L'Amour 1830", une ballade romantique qu'il avait écrite au cours d'un voyage en train à son retour d'Angleterre. Le texte, pense-t-il, correspondrait parfaitement à un chanteur de charme et Souchon en a un particulièrement en tête : Frédéric François, qui connaît à l'époque ses premiers grands succès publics. Mais Souchon ne parvient pas à contacter son homologue, bien qu'il chante de temps en temps le titre dans les petites salles parisiennes où il se produit. C'est alors qu'intervient une rencontre déterminante : la route d'Alain Souchon croise alors celle du producteur Bob Socquet, directeur artistique de RCA Records. Socquet tombe sous le charme de la chanson et pour lui pas de doute, c'est à Souchon lui-même de l'interpréter.
Le début du succès
Socquet propose alors à Souchon un pari pour propulser "Amour 1830" et sa carrière par la même occasion. Il l'inscrit à un concours de chant très populaire à l'époque, celui de la Rose d'Or d'Antibes, qui avait les années précédentes consacré des noms comme Jean-Jacques Debout, Michel Polnareff ou Gérard Lenorman. L'intuition du producteur s'avérera payante : le titre est un franc succès et remporte le prix spécial de la critique et celui du public. Le potentiel du morceau est là, mais les choses ne font que commencer : Bob Socquet signe Souchon chez RCA pour produire son premier album. Mais si le chanteur s'avère déjà un excellent parolier, il a beaucoup plus de mal à trouver les mélodies pour les interpréter. En quête d'un bon arrangeur, Bob Socquet se tourne vers l'un des autres jeunes talents signés chez RCA, un certain Lucien Voulzy, qui ne s'appelle pas encore Laurent. Ce sera la rencontre d'une carrière, d'une vie même, ainsi que l'acte de naissance de la plus célèbre amitié de la chanson française. Ensemble, Souchon et Voulzy fignolent l'album du premier, dont le titre donnera un premier single qui éclipsera quelque peu avec le temps la renommée d'"Amour 1830" : "J'ai dix ans".