Vous êtes revenu avec ce nouvel album, c'est le 26ᵉ album studio Terrien, 39ᵉ album en tout. Quand on les compte tous, c'est impressionnant cette carrière ! Je me mets à la place d'un jeune artiste auteur-compositeur d'aujourd'hui qui peine à sortir son premier album. Alors je me pose cette question est-ce que de temps en temps, il y a un jeune qui vient vous voir et qui vous pose cette question : quel est le secret pour durer ?
Il n'y a pas vraiment de jeunes artistes qui me posent cette question. Par contre, les journalistes me l'ont beaucoup posé beaucoup. Vous avez raison de dire que pour les jeunes aujourd'hui. C'est plus difficile. C'est vrai qu'on a été une génération chanceuse. On a été chanceux par toutes les transformations de la société. On a été chanceux parce qu'on est tombé dans un moment où l'économie allait très bien. Il y a une espèce de révolution des jeunes au moment où j'avais tout juste 20 ans, une révolution un peu mondiale, une révolution sociale et mesurée, mais qui était assez réjouissante à partager.
Et puis nous arrivions jeunes artiste derrière une génération. On avait été précédée, si on excepte la génération yéyé et qui était juste avant nous, quelque deux, trois ou quatre ans avant nous. Mais avant, on était précédée d'une génération qui a vraiment été la génération de la grande chanson française. Des gens qui, en gros, avaient 20 ans de plus que moi. C'était aussi bien d'ailleurs en France qu'à l'étranger. Donc. Avoir 20 ans à cette époque-là, avoir été adolescent même, on peut dire à cette époque-là, c'était même extrêmement motivant sur un plan artistique.
Et maintenant, je réponds à votre question. Tous ces gens que j'admirais. Et qui m'ont donné envie de faire ce métier. Ils étaient tous inscrits dans la longueur, les Beatles ont eu cette carrière géniale, météorique et planétaire.
Mais après tout, McCartney chante encore et je peux encore aller le voir sur scène, bien sûr. Bon, et c'était déjà mon idole à l'époque. Donc, tous ces gens là étaient inscrits dans la longueur. Donc on avait l'habitude, on va dire, de tenter des carrières longues.
Et moi, je partais naïvement en me disant tous les gens que j'admire. Ils ont duré très longtemps. Je vais faire comme eux. Je veux durer longtemps. Oui, je n'avais pas de doutes.
Heureusement, du reste, que je n'avais pas trop de doutes. Sinon, ça m'aurait foutu le vertige. Donc, c'est vrai qu'aujourd'hui, c'est beaucoup plus difficile. Songez que mon premier contrat de disques la maison. Pathé Marconi, à l'époque, m'a fait signer un contrat de sept ans. ça n'existe plus aujourd'hui On m'a fait signé un contrat de sept ans. C'était très long. Ça voulait dire, je suppose, on va travailler sur ce jeune artiste, on va investir sur lui et on va travailler. On dit que les maisons de disques n'étaient pas un peu plus heureuses comme elles sont aujourd'hui, mais c'est du rassemblement à l'économie générale. Songez que quand on m'a proposé mon premier Olympia sans réel tube, j'avais des tubes radiophoniques. J'avais un carré de fanatiques. Je n'avais pas encore sorti "Ce n'est rien". On m'a proposé. Près de deux semaines d'Olympia. Vous rendez compte qu'aujourd'hui, quand un jeune artiste, c'est possible d'aller à l'Olympia ? Non, en fait, tout a changé.
Pour ce nouvel album "terrien". Vous avez travaillé avec beaucoup d'auteurs, beaucoup de femmes. Très talentueuses ! Clara Luciani qui a écrit deux chansons. Et puis Marie Bastide aussi pour "Comment tu vas ?" Jeanne Cherhal pour la jeune fille en feu. Des textes durs, quand même. Des textes qui parlent plus plus de thèmes sociétaux que d'habitude. On est victime du genre, mais des textes sur la dépression ou la préservation de la planète, des sujets un peu sombres. C'était une volonté ?
Ce n'était pas ma volonté, mais ça a été visiblement la volonté des auteurs. Moi, quand je demande, quand je propose une collaboration, je ne propose pas un sujet de chanson dont je leur dis "t'as envie de m'écrire un texte ?"
Je m'accorde et j'essaierai de le mettre en musique. Oui, juste comme ça. quand on me dit de quoi tu a envie, je réponds franchement, je ne sais pas. Je te laisse imaginer ça. Moi, j'aime bien l'idée que les gens ont envie de me faire chanter quelque chose, mais. Comme pour un acteur, un metteur en scène va proposer un sujet et un rôle. J'aime bien me mettre dans cette position là parce que je n'ai pas envie de briser les auteurs.
J'ai envie que leur imagination travaille. Il arrive après un grand nombre de chansons depuis 50 ans maintenant. Il faut que leur chanson, la chanson qu'ils vont écrire se fassent une place dans un répertoire. Mais je les laisse imaginer ! Didier Barbelivien, Marc Lavoine de toutes les générations, faites moi des gens de ma génération comme Didier ou Bernard. Des gens beaucoup plus jeunes, mais que comme Clara ou Jeanne. Bruno Guglielmi ou Marc Lavoine, qui m'ont offert de joli texte.
Vous travaillez toujours de la même façon ? Vous recevez les textes des auteurs et vous faites la musique.
Clara Luciani m'a envoyé plusieurs textes. Cinq textes, donc j'avais le choix. Mais en fait, j'en ai mis tout de suite en musique, puis tout de suite un deuxième après elle le sais pas, mais j'en ai mis un troisième que je ne vais pas montrer parce qu'elle n'était pas bien. Oui, ma musique n'était pas bien. En fait, j'en ai mis trois sur cinq en musique. J'en ai gardé deux !
Et puis sinon, je reçois les textes comme ça, et puis je les fais au fur et à mesure, je les mets en musique au fur et à mesure qu'is m'arrivent.
Est ce que vous recevez des textes de jeunes inconnus, par exemple ?
C'est arrivé rarement que ça se termine par une chanson C'est arrivé au moins deux fois. Il y a longtemps sur l'album de "femmes, je vous aime" et "Lili voulait aller danser",
Pourquoi vous n'écrivez pas vous même les paroles ?
Parce que je n'ai pas de talent pour ça, ce que je n'ai pas dit. Je pense que si j'ai une certaine poésie en moi, elle s'exerce à travers ma musique, malheureusement, pas à travers les mots. Mais vous savez, je remercie la destinée qui m'a fait ne pas écrire mes paroles, parce-que n'écrire que la musique, ça m'a fait toute ma vie chercher des paroliers. Rechercher des gens. Et maintenant, je travaille avec plusieurs générations de paroliers. Oui. Je pense que c'est un entretien musical, mais moi, ça me permet de me renouveler. Si j'avais été tout seul avec moi même. Moi, j'admire beaucoup les auteurs compositeurs et surtout ceux qui durent longtemps.
Regardez même des gens comme Brassens, c'est vraiment une exception d'avoir gardé cette qualité jusqu'au bout, tout seul. Regardez Aznavour, il a énormément diversifié. Il a de temps en temps fait écrire ses musiques par quelqu'un d'autre. Il a demandé des textes à d'autres personnes alors qu'il écrivait lui aussi. Donc après, ça dépend de la faculté qu'on a à se renouveler.
La musique, c'est votre vie et votre travail. Quand il vous arrive de faire une pause.Est ce que vous écoutez la musique des autres ?
Oui, beaucoup.
Quel genre de musique en ce moment, par exemple ?
J'écoute en ce moment, j'écoute tout ce qui sort. J'ai écouté le dernier disque sorti de Juliette Armanet, que j'attendais avec beaucoup d'impatience. J'avais beaucoup aimé son premier album. En plus, elle travaille avec Marlon B, qui a produit sur mon premier album. Et sinon, j'écoute la musique que j'ai toujours écouté. Comme on a des livres de chevet, si vous voulez, j'ai mes disques de chevet.
Franchement, des Beatles à Bob Dylan en passant par Stevie Wonder et en français, tous ces gens qui m'ont donné envie de chanter. Je réécoute très souvent Brassens. J'écoute très souvent Charles Trenet, je réécoute constamment Gainsbourg. Et puis tout ce qui sort des nouveautés de la chanson française. Le rap. Je suis moins qualifié encore qu'il y a dans le rap des gens qui écrivent très, bien sûr, et qui sont très créatifs. Le rap, c'est de la musique, évidemment. Pas tout à fait de la chanson, mais de la musique.
Vous allez partir en tournée avec cet album avec vos chansons, une tournée qui s'appelle Les jours heureux. Pourquoi ce titre ?
Le titre, c'est parce que d'abord, rien que le fait d'avoir décidé de la tournée et qu'on a signé des villes, les endroits où on allait chanter, c'était l'avènement des jours heureux après cette sale période. Et puis aussi parce qu'il y aura dans le tour de chant un hommage à ces personnes dont je vous parle, de ces grands chanteurs dont je vous parle depuis tout à l'heure. Et que ces jours heureux, parce que j'étais très jeune, parce que je découvrais la musique. Je proposerai une partie du spectacle de reprises comme ça, de des gens qui sont véritablement dans mon ADN.
Si vous voulez, j'ai laissé de côté Brassens, ce qui en fait tout a fait partie, mais qui a été très bien fait par certains de mes collègues et amis, que ce soit Maxime Le Forestier ou Renaud. Donc, j'ai plutôt repris des chansons de Bécaud, Aznavour, Léo Ferré, Charles Trenet, Barbara et Yves Montand.